Covid: les terrasses de la discorde entre riverains et cafetiers à Toulouse
Elles devaient être éphémères, le temps de survivre à la crise sanitaire: deux ans plus tard, cafetiers et restaurateurs réclament la pérennisation des extensions de terrasses, dites "Covid", mais à Toulouse des associations de riverains et des personnes handicapées dénoncent leurs "nuisances".
"Regardez ici, une rangée de tables collées à la façade de l'immeuble empêchant les personnes aveugles de se repérer. Et là-bas, cette maman avec une poussette obligée de marcher sur la chaussée": en fauteuil roulant, la présidente de l'association Handi-Social, Odile Maurin, fulmine.
"Ce n'est pas normal d'être régulièrement obligés de demander aux gens de bouger leur chaise pour qu'on puisse passer", affirme à l'AFP cette militante pour les droits des personnes handicapées.
A partir de l'été 2020, comme nombre d'autres municipalités en France, la mairie de Toulouse a autorisé les professionnels de la restauration à étendre la superficie de leurs terrasses, afin de compenser les pertes liées aux confinements et couvre-feu successifs.
Cette "disposition exceptionnelle", dont bénéficient aujourd'hui plus de 400 établissements de la capitale d'Occitanie, a été prolongée jusqu'au 31 mars.
Des jeunes femmes profitent du soleil en savourant un cappuccino sur la place du Capitole, au coeur de la ville.
Autour d'elles, des vélos, des serveurs et un couple de personnes âgées tentent de se frayer un chemin entre les tables, qui s'étendent des deux côtés de la voie publique.
- "Maltraitance des piétons" -
"On a déjà mille terrasses permanentes à Toulouse, certaines abusives: il ne faut pas rajouter à une situation déjà compliquée des extensions ad vitam aeternam", estime Richard Mébaoudj, président de l'association 60 millions de piétons 31.
Dans un centre-ville dense, aux rues étroites, cette "inflation" de terrasses s'apparente pour lui à de la "maltraitance de piétons, surtout les plus fragiles".
"Les lois d'exception liées au Covid vont se terminer pour la plupart en avril. Il n'y a donc pas de raison de proroger, et encore moins de pérenniser, la privatisation de l'espace public", lance M. Mébaoudj.
Même exaspération du côté de l'association de riverains Bien Vivre Toulouse Centre (BVTC), qui s'oppose à "la transformation du centre-ville en une gigantesque terrasse à ciel ouvert", et pointe les nuisances sonores "insupportables".
Derrière le comptoir du Cardinal, Mathieu Marcastel dit comprendre le débat que suscite l'avenir des "terrasses Covid".
"Mais cela fait deux ans qu'on est lourdement impactés et je pense qu'il est juste d'accompagner la profession en lui accordant certains avantages", affirme le gérant de cette brasserie.
- Réflexion "en cours" -
Sur sa terrasse, l'extension se matérialise par une rangée de cinq petites tables, soit dix places assises supplémentaires.
"Ce n'est pas ça qui va nous permettre de compenser le manque à gagner dû au Covid. Mais tout est bon à prendre, surtout avec les beaux jours qui arrivent", souligne ce jeune patron de 36 ans, expliquant que le retour au télétravail en début d'année a pesé sur sa trésorerie.
"En janvier, les restaurateurs ont accusé une baisse de 30 à 40% de leur chiffre d'affaires", précise le président de l'Union des métiers et des industries hôtelières de la Haute-Garonne (Umih 31), Ivo Danaf.
Selon lui, "la page Covid, ou du moins ses effets, ne fait que commencer" pour les professionnels du secteur qui doivent rembourser les prêts garantis par l'Etat (PGE) et s'adapter au "changement d'habitudes des consommateurs, dorénavant davantage tournés sur la vente à emporter".
Il estime nécessaire le maintien des extensions de terrasses "au moins jusqu'à la fin de l'année". Il souhaite même leur pérennisation "car elles permettent d'augmenter de 20 à 30% le chiffre d'affaires, selon leur taille, en saison estivale".
La réflexion "est toujours en cours", précise la municipalité.
"Ce ne sera pas facile. Il faudra beaucoup de discussions et négociations avec la mairie et les riverains pour trouver un terrain d'entente", admet M. Danaf. "Et s'il y a des terrasses qui gênent, il faudra les sanctionner. Mais on ne va pas sanctionner 450 terrasses parce qu'une quinzaine posent problème".
(F.Bonnet--LPdF)