Le Pays De France - Colombie: enquête ouverte après de possibles écoutes illégales de magistrats

Paris -
Colombie: enquête ouverte après de possibles écoutes illégales de magistrats
Colombie: enquête ouverte après de possibles écoutes illégales de magistrats / Photo: © AFP

Colombie: enquête ouverte après de possibles écoutes illégales de magistrats

Le président colombien Gustavo Petro a démenti lundi que son gouvernement ait ordonné des écoutes illégales de téléphones portables de juges de la Cour constitutionnelle, alors qu'une enquête a été ouverte par la justice.

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"Depuis le premier jour du gouvernement, le président a ordonné aux agences de renseignement de ne pas utiliser (les écoutes) contre l'opposition, la presse ou les tribunaux", a affirmé M. Petro sur le réseau X.

Selon des révélations de la presse nationale ce week-end, le magistrat Jorge Enrique Ibañez, membre de la Cour constitutionnelle, a déposé une plainte auprès du Parquet général pour l'interception de ses communications par des "agences de renseignement de l'État".

"Depuis plusieurs mois, mes communications, en particulier mon téléphone portable, ont été mises sur écoute (...) en dehors du cadre légal", a écrit Jorge Enrique Ibañez dans une lettre adressée à la procureure générale, Luz Adriana Camargo, et divulguée par la presse.

Le magistrat affirme que les téléphones de certains de ses juges-assistants ont également été écoutés et n'exclut pas que d'autres de ses collègues de la Cour constitutionnelle l'aient été également.

"Devant la gravité des faits portés à sa connaissance", le bureau de la procureure générale a annoncé samedi dans un communiqué l'ouverture d'une enquête.

Pour sa défense, le président Petro affirme que les services de renseignements intérieurs, le Département national du renseignement (DNI), "ne disposent même pas de dispositifs d'interception pour les services téléphoniques privés".

Cependant, l'hebdomadaire conservateur Semana affirme qu'un général a confirmé anonymement que "de telles interceptions ont été effectuées".

Ce possible scandale intervient au moment où M. Petro, élu à l'été 2022 premier président de gauche de l'histoire de la Colombie, insiste sur l'idée de convoquer une Assemblée constituante pour modifier la Constitution, alors que plusieurs de ses réformes sont ou ont été bloquées au Parlement.

L'opposition affirme que le chef de l’État espère ainsi inclure dans la loi fondamentale un article qui permettrait sa réélection (le Parlement a supprimé en 2015 la réélection), et ainsi prolonger ses fonctions au-delà de 2026.

L'ancien président conservateur Ivan Duque (2018-2022) affirme notamment que M. Petro veut contrôler la Cour constitutionnelle afin qu'elle approuve une modification de la Constitution et prolonge ainsi son mandat.

Par le passé, le renseignement colombien a, à plusieurs reprises, écouté des politiciens de gauche, des représentants d'organisations sociales, des journalistes ou des juges de la Cour suprême.

En 2011, alors qu'il était sénateur de l'opposition, M. Petro avait dénoncé le Département administratif de sécurité (DAS, remplacé depuis par le DNI) et d'autres entités de l'État pour avoir procédé à des écoutes téléphoniques illégales à son encontre entre 2006 et 2009. Un tribunal administratif lui a donné raison et a condamné le gouvernement en 2020.

- Perquisition -

Le bureau du procureur général militaire a annoncé par ailleurs avoir mené lundi une perquisition dans les locaux de la présidence à Bogota, nouveau chapitre d'un autre scandale d'espionnage et d'écoutes présumées.

Cette opération visait à rechercher du "matériel probant et des preuves physiques" dans l'enquête sur l'écoute illégale, l'année dernière, de Marelbys Meza, la nounou de l'ancienne directrice de cabinet du président Petro, Laura Sarabia.

À la suite du vol d'une mallette contenant des milliers de dollars au domicile de Mme Sarabia, Marelbys Meza avait été soumise au détecteur de mensonge au siège de la présidence, puis ses conversations téléphoniques interceptées.

Pour justifier ces interceptions, l'exécutif a utilisé un faux rapport de police la liant à des trafiquants de drogue.

Mme Sarabia a quitté son poste quelques semaines après ces révélations, mais en février, elle a été nommée à la tête d'un département en charge des aides sociales, une entité qui gère un vaste budget de l'État.

(E.Beaufort--LPdF)