Mexique: Sheinbaum face à l'hydre de la violence criminelle transfrontalière
La nouvelle présidente du Mexique Claudia Sheinbaum présente mardi son plan national de sécurité pour lutter contre quelque 30.000 homicides par an, la plupart liés aux trafics criminels internationaux.
La présidente doit s'exprimer après l'assassinat du maire de Chilpancingo, capitale du Guerrero (sud), décapité quelques jours après son investiture. Le Guerrero est l'un des six États (sur 32) qui enregistrent près de la moitié des homicides du pays.
Comme une hydre à plusieurs têtes, la violence se concentre en des points stratégiques (routes de la drogue, frontières, ports d'entrée des composants du fentanyl venus de Chine, régions productrices d'avocats et citrons).
Sur ces lignes de front mouvantes opèrent et s'affrontent les deux principaux cartels du pays, Sinaloa et Jalisco Nouvelle Génération, qui comptent parmi les plus puissants au monde, leurs succursales ou des mafias locales.
- Géographie du crime -
Décapitation du maire de Chilpancingo, découverte de 16 corps en deux jours la semaine dernière dans le Guanajuato (centre), environ 150 personnes tuées en trois semaines dans le Sinaloa (nord-ouest): investie le 1er octobre, Mme Sheinbaum ne connaît pas de répit sur le front sécuritaire.
- Dans le Guanajuato, la dernière vague de violence est due à une "contre-offensive" du Cartel de Sinaloa et ses alliés contre le Cartel Jalisco Nouvelle génération (CJNG), explique l'expert en sécurité publique David Saucedo.
"Les envois de drogue vers les Etats-Unis ont augmenté par la route du centre que contrôle le CJNG et qui passe par Guanajuato", ajoute-t-il.
Le Guanajuato est l'Etat le plus violent du Mexique (plus de 3.000 assassinats en 2023). Grande comme la Belgique (30.000 km2), la région abrite aussi des multinationales et une ville coloniale qui fait rêver les retraités américains, San Miguel de Allende.
- Le Chiapas (sud), situé à la frontière avec le Guatemala, est un important centre de trafic de drogues et de migrants. La violence a augmenté depuis 2021 en raison de "l'incursion du CJNG dans des villages frontaliers qui étaient auparavant les bastions du cartel rival de Sinaloa", selon Insight Crime.
- Au Guerrero (sud), situé sur la côte Pacifique, plusieurs mafias se battent pour le contrôle de l'arrivée de la drogue par voie maritime, ou d'autres trafics.
- Dans le Sinaloa (nord-ouest), un conflit interne au cartel du même nom a provoqué la vague de violence, comme l'a reconnu lui-même le gouverneur.
- Les villes frontalières des États-Unis comme Tijuana, Ciudad Juarez et Reynosa restent parmi les plus dangereuses au monde, à la fois point de passage de la drogue et du trafic de migrants.
- Sinaloa vs Jalisco -
"Les cartels de Sinaloa et de Jalisco sont au coeur" de la crise du fentanyl, drogue de synthèse qui a tué plus de 100.000 américains en 2023, d'après l'administratrice de la DEA, l'agence antidrogue américaine, Anne Milgram.
Ces deux cartels sont des "entreprises globales" qui achètent des composants de drogues synthétiques en Chine, contrôlent "des laboratoires clandestins" au Mexique, "utilisent leurs vastes réseaux de distribution pour transporter la drogue à l'intérieur des États-Unis", selon la DEA.
Le trafic hyper-lucratif du fentanyl s'est ajouté ou a remplacé les activités historiques des narcos mexicains comme le transit de la cocaïne de la Colombie vers les États-Unis ou la culture du pavot pour l'héroïne au Guerrero.
Au long de leur histoire, les cartels ont pu profiter de la corruption des responsables sécuritaires. L'ancien secrétaire à la Sécurité Genaro Garcia Luna (2006-2012) a été reconnu coupable de complicité avec le cartel de Sinaloa et risque la prison à vie aux Etats-Unis.
La violence est aussi alimentée par l'atomisation des cartels depuis que l'ex-président Calderon a lancé l'armée contre les chefs de la mafia en décembre 2006, avec le soutien des États-Unis.
- Que va proposer Claudia Sheinbaum? -
Cibler les dix villes les plus dangereuses du pays, le Chiapas et l'extorsion des producteurs de citron dans le Michoacan: tels sont quelques axes de la "stratégie de sécurité des 100 jours" de la nouvelle présidente, qui ont fuité dans la presse.
"Nous allons travailler dans quelques États en particulier avec plus de présence des renseignements et d'enquêtes, en coordination avec les gouverneurs", a avancé lundi matin Mme Sheinbaum.
"Un meilleur déploiement des policiers ou des militaires n'aura pas d'effet tant que continue l'inaction des autorités en charge de la justice locale ou fédérale. Nous sommes face à un problème de sécurité mais surtout de justice", prévient l'expert en sécurité Carlos A. Perez Ricart.
(C.Fontaine--LPdF)