Choc et colère après une tuerie raciste dans l'Etat de New York
Sous le choc, les habitants de la ville de Buffalo dans l'Etat de New York ont rendu hommage dimanche aux dix personnes tuées la veille dans un supermarché, dont une majorité d'Afro-Américains, par un homme blanc lors d'une fusillade à caractère raciste, décrite comme un acte de "terrorisme intérieur" par les autorités.
"Certains d'entre nous sont très en colère ce matin" a lancé le pasteur T. Anthony Bronner, lors d'une veillée devant le parking du supermarché Tops où un jeune, équipé d'une arme d'assaut et d'un gilet pare-balle, a fait feu samedi après-midi avant d'entrer dans le commerce et d'y commettre un carnage.
Dix personnes sont mortes et trois autres blessées, selon la police. Onze étaient des personnes noires et deux étaient blanches, dans ce quartier majoritairement afro-américain de Buffalo, une ville septentrionale au bord du lac Erié, à la frontière avec le Canada.
Une large foule était réunie dimanche sur le lieu du drame, priant et scandant le mot "unité" tandis qu'une autre veillée avait lieu dans une église où le maire de Buffalo, Byron Brown, s'est dit "dévasté" face à cette "attaque raciste et violente".
Le tueur identifié comme Payton Gendron, 18 ans et habitant le sud de l'Etat, portait une caméra et a diffusé son crime en direct sur Twitch. La plateforme a assuré avoir supprimé le contenu "deux minutes" après le début de sa diffusion.
"Cet individu était dans la région de Buffalo au moins le jour précédent. Il semble être venu pour évaluer la zone et faire une opération de reconnaissance avant de perpétuer cet acte infâme et écoeurant", a précisé dimanche le chef de la police de Buffalo, Joseph Gramaglia, sur ABC.
L'homme a pointé son arme contre lui, au niveau de son cou, avant de finalement se rendre aux forces de l'ordre, selon le commissaire Gramaglia. Poursuivi pour "meurtre avec préméditation", il a plaidé non-coupable lors d'une première comparution devant un juge, a rapporté le New York Times.
- "Terrorisme intérieur" -
La justice fédérale américaine enquête sur ce massacre en tant que "crime motivé par la haine et une affaire d'extrémisme violent à motivation raciale", selon un communiqué diffusé samedi soir.
Le "crime motivé par la haine" désigne aux Etats-Unis un acte dirigé contre une personne visée en raison d'éléments de son identité comme la race, la religion, la nationalité, l'orientation sexuelle ou un handicap. Considéré comme une infraction fédérale aux circonstances aggravantes, il entraîne des condamnations plus dures.
Un "manifeste" de 180 pages à caractère raciste a notamment été diffusé par le tireur sur internet avant les faits, selon les médias américains.
Selon le New York Times, citant ce "manifeste", le suspect a été "inspiré" par des crimes commis par des suprémacistes blancs, notamment le massacre en 2019 de 51 fidèles dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande.
Le journal Buffalo News a même révélé qu'un mot injurieux, raciste et tabou aux Etats-Unis pour désigner les personnes noires avait été peint en blanc sur le canon de l'arme.
"C'était du terrorisme intérieur, purement et simplement", a déclaré la procureure générale de New York, Letitia James, qui s'est rendue à Buffalo pour assister à la veillée.
- "Exécution de style militaire" -
Dénonçant un acte "raciste" et une "exécution de style militaire" liée à la "suprématie blanche", la gouverneure de l'Etat de New York, Katy Hochul, a exprimé sa colère et souligné la responsabilité des réseaux sociaux.
"Les réseaux sociaux permettent à cette haine de fermenter et de se répandre comme un virus", a-t-elle lancé à Buffalo, sa ville natale.
Dans un communiqué, le président américain Joe Biden avait aussi dénoncé samedi cette attaque, rappelant que "tout acte de terrorisme intérieur, y compris un acte perpétré au nom d'une idéologie nationaliste blanche répugnante, est contraire à tout ce que nous défendons en Amérique".
Cette tuerie raciste en rappelle deux autres: un massacre le 3 août 2019 lorsqu'un militant d'extrême droite de 21 ans avait tué 23 personnes, dont huit Mexicains et des personnes "hispaniques" à El Paso, au Texas; et lorsque le 17 juin 2015 un suprémaciste blanc avait tué neuf fidèles afro-américains dans une église de Charleston en Caroline du Sud.
Dans ces deux cas, des manifestes haineux avaient été mis en ligne avant les attaques.
Les fusillades et meurtres dans les lieux publics sont quasiment quotidiens aux Etats-Unis et la criminalité par armes à feu est en augmentation dans les grandes villes comme New York, Chicago, Miami ou San Francisco, notamment depuis la pandémie de 2020.
Plusieurs initiatives d'élus pour renforcer la législation sur les armes ont échoué au Congrès ces dernières années, le puissant lobby des armes NRA restant très influent.
(R.Dupont--LPdF)