Une histoire belge, l'interminable rénovation du palais de justice de Bruxelles
Avec "40 ans d'échafaudages" sur le chantier de rénovation du palais de justice de Bruxelles, la Belgique affiche un record peu reluisant, qu'elle compte faire oublier aussi vite que possible.
Sur la façade principale du monument historique classé, symbole de la prospérité belge de la fin du XIVe siècle, les tubes apparus en 1984 devraient avoir disparu d'ici à "fin 2025".
Et l'intégralité de la cage métallique "avant 2030", a assuré jeudi le secrétaire d'Etat chargé du dossier, Mathieu Michel, en guidant la presse sur le chantier de restauration de cette façade avant majestueuse orné de sculptures et moulures.
"Laisser 40 années d'échafaudages sur le plus grand palais de justice du monde, c'était totalement inacceptable", a fait valoir le libéral francophone.
Mais le travail accompli depuis un an sur ce chantier titanesque permet d'entrevoir la fin du tunnel et de premiers échafaudages ont enfin été démontés cette année.
"On répond à notre responsabilité face à un patrimoine qui appartient à tous les Belges", a souligné Mathieu Michel.
Conçu par l'architecte belge Joseph Poelaert dans les années 1860 - à l'époque où le roi Léopold II commençait à exploiter le Congo et où la Belgique comptait parmi les grandes puissances économiques -, ce bâtiment de style néo-classique présente une emprise au sol de 26.000 m2. Il est plus vaste que la basilique Saint-Pierre de Rome.
Surmonté d'une coupole avec un dôme en cuivre, il est d'autant plus visible dans le ciel bruxellois qu'il a été bâti sur une des collines de la capitale.
Tant de temps s'est écoulé que les mémoires sont défaillantes quand il s'agit d'expliquer pourquoi cette restauration s'est enlisée.
L'entreprise missionnée au départ aurait fait faillite. Le dossier a ensuite connu un ping-pong incessant entre les différents niveaux de pouvoir (Etat, Région, ville), sur fond de bisbilles entre flamands et francophones.
- "Le maillon faible" -
Pour l'avocat Jean-Pierre Buyle, qui a lancé en 2011 la fondation Poelaert pour bousculer les politiques, la justice est "le maillon faible, le mal-aimé des trois pouvoirs", exécutif, législatif et judiciaire.
Et ce palais n'a cessé de générer "des angoisses sur le coût" des travaux, dit-il à l'AFP.
"Ici quand un plafond s'écroule à cause de problèmes d'humidité, on regarde le plafond par terre, on ferme la porte et on attend deux-trois ans. Quand ça se passe au Parlement ou au Palais royal, l'après-midi les ouvriers sont au chantier et on travaille", poursuit le juriste.
En 2023, l'Etat fédéral, propriétaire du bâtiment, et la région, qui a la compétence sur les monuments classés de Bruxelles, avaient annoncé ensemble la délivrance du permis d'urbanisme permettant enfin de s'attaquer à la façade avant, une "phase 1" des travaux chiffrée à 32 millions d'euros.
Depuis un an, le travail a consisté à contrôler un par un et nettoyer les éléments décoratifs en surplomb de l'entrée principale du bâtiment.
Si nécessaire les pierres sont remplacées en piochant dans les matériaux d'origine, comme la réputée pierre blanche des carrières françaises de Comblanchien (Bourgogne, est).
"Un total de 137 m3 de pierres a déjà été remplacé, ce qui représente environ 370 tonnes ou 14 camions", ont relevé jeudi les responsables du chantier.
En mai 2024, à titre symbolique, une statue de Minerve - déesse de la sagesse - trônant tout en haut de la façade avait été dévoilée après sa rénovation, un élément abîmé comme la plupart des pierres par des fissures et des infiltrations d'eau.
Après l'embellissement de la grande façade avant, côté place Poelaert, l'objectif est de restaurer celles du socle de la coupole, à partir de 2026.
Si l'échéance de 2030 est tenue pour la fin des rénovations extérieures (c'est l'année du bicentenaire de la Belgique), il s'agira ensuite d'envisager le nouvel aménagement intérieur... A l'horizon 2040, selon Me Buyle, car il faut "beaucoup d'argent, beaucoup d'énergie et beaucoup de volonté".
(M.LaRue--LPdF)