Suriname: l'ancien président Bouterse, dirigeant autocrate et populaire
Décédé mardi à l'âge de 79 ans, l'ancien président du Suriname Desi Bouterse, en fuite depuis un an après une condamnation en justice, restait très populaire, notamment dans les classes les plus pauvres de son pays.
"Quel qu'il soit (le verdict), je suis prêt. Parce que je suis convaincu que l'autre juge (Dieu) m'acquittera à 100%", avait déclara l'ancien dirigeant autocrate à propos de son procès.
Rattrapé par la justice pour l'assassinat de 15 opposants en 1982, il avait été condamné en décembre 2023 à 20 ans de prison.
Auteur de deux coups d'Etat, l'homme fort de l'armée, qui dirigeait une junte en 1982, avait été élu président du Suriname en 2010 et l'était resté jusqu'en 2020.
Il était aussi recherché par Interpol qui avait émis un mandat d'arrêt contre M. Bouterse après sa condamnation à 11 ans de prison en 1999 aux Pays-Bas pour trafic de cocaïne. Son statut de dirigeant l'avait cependant protégé de l'extradition.
Charismatique, "Bouta", son surnom, savait s'adresser aux foules, maniant formules chocs et discours percutants souvent avec des pointes d'humour ou d'ironie qui plaisaient aux foules.
"Tu arrives? Mais où arrives-tu?" avait-il notamment lancé à l'actuel président Chan Santokhi en se moquant de son slogan de campagne. L'interrogation avait fait fureur lors de l'élection de 2015 et est encore souvent citée aujourd'hui.
Né en 1945, Desi Bouterse avait embrassé la carrière militaire se formant notamment aux Pays-Bas, l'ancienne puissance coloniale, qu'il se plaisait à critiquer.
Moins de cinq ans après l'indépendance (25 novembre 1975), Desi Bouterse alors âgé de 34 ans, s'était emparé du pouvoir pour "sauver" le pays en 1980, selon ses dires.
La dictature est brutale et en 1982 quinze opposants sont exécutés par balles dans la prison militaire de Paramaribo.
Le procès de ces exécutions n'aura lieu que des dizaines d'années plus tard avec un épilogue en 2023.
Desi Bouterse était resté aux commandes jusqu'en 1987 avant de mener un second coup d'Etat en 1990 pour un bref retour au pouvoir, jusqu'en 1991.
Il a dirigé le Suriname pendant une partie de la guerre civile qui a ravagé le pays de 1986 à 1992 avec notamment le massacre de Moiwana (au moins 35 morts) par l'armée en 1986.
En 2010, il revient au pouvoir par les urnes. Il y restera jusqu'en 2020 après une réélection en 2015 mais échouant à remporter un troisième mandat en 2020.
Sa condamnation en décembre 2023 avait mis fin à seize ans de procédures. "Il a fallu 41 ans, mais le long bras de la loi a finalement rattrapé Desi Bouterse", avait alors réagi Reed Brody, membre de l'ONG Commission internationale de juristes.
Quelques jours avant sa condamnation, des milliers de ses partisans s'étaient rassemblés au siège de son parti aux cris de "Free Bouta" ("Libérez Bouta").
Il avait appelé au calme, tout en soulignant son influence toujours importante sur la politique actuelle: "Ne semons pas la pagaille. Nous allons tenir jusqu'aux élections de 2025", avait-il dit alors que son parti lui promettait une amnistie...
Mais, tandis que les autorités lui avaient fait construire une cellule isolée dans le complexe de l'hôpital militaire près du centre de Paramaribo, au cas où il aurait besoin d'un traitement médical, M. Bouterse avait disparu en janvier jusqu'à sa mort.
Son fils Dino Bouterse, arrêté au Panama en 2013 et extradé vers les Etats-Unis, a été condamné à 16 ans de prison pour trafic de drogue par la justice américaine.
(F.Moulin--LPdF)