

Procès libyen: sept ans de prison requis contre Nicolas Sarkozy
Le parquet financier a requis jeudi sept ans de prison et 300.000 euros d'amende contre Nicolas Sarkozy au procès des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 de l'ancien chef de l'Etat.
Cinq ans d'inéligibilité ont également été requis contre Nicolas Sarkozy, qui a accueilli ces réquisitions la mine pétrifiée.
Au cours des 12 semaines d'audience, "c'est un tableau très sombre d'une partie de notre République qui s'est dessiné", a lancé le procureur Sébastien de la Touanne en abordant la dernière ligne droite du réquisitoire.
S'en prenant à Nicolas Sarkozy, il a dénoncé une "quête effrénée de financement" pour satisfaire une "ambition politique dévorante", et prévenu que "seule une peine d'emprisonnement et d'amende ferme" sera "en mesure de protéger la société", et en outre de "le priver de certains droits civiques".
Nicolas Sarkozy a "contesté les faits" et "ne semble pas prendre la mesure de la gravité des atteintes à la probité" qui lui sont reprochées, a ajouté le magistrat, rappelant qu'il a déjà été condamné. C'est son cinquième procès en cinq ans.
Six ans de prison et 100.000 euros d'amende ont été requis contre Claude Guéant, trois ans de prison et 150.000 euros d'amende contre Brice Hortefeux et un an et 3.750 euros d'amende contre Eric Woerth, trésorier de la campagne.
Après une pause, l'audience avait repris peu après 16H00 en présence de Nicolas Sarkozy, mine fermée, prenant des notes. Il était absent plus tôt dans la journée lors de la partie du réquisitoire concernant des volets annexes de ce dossier, notamment la possible vente fictive de tableaux flamands par Claude Guéant et l'achat à un prix surévalué d'une villa dans le sud de la France qui aurait permis de dissimuler un détournement de fonds libyens.
Mardi et mercredi, les procureurs ont dépeint Nicolas Sarkozy en "véritable décisionnaire" et "commanditaire" d'un pacte de corruption "inconcevable, inouï, indécent", noué avec l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi pour qu'il finance sa campagne présidentielle de 2007.
Ils ont aussi détaillé les "contreparties" diplomatiques, juridiques et économiques promises selon eux au régime libyen et ont affirmé que des "traces" d'argent liquide dans la campagne victorieuse alimentaient le "faisceau d'indices" du dossier.
Pour les procureurs, tous les délits pour lesquels il est jugé depuis le 6 janvier sont constitués: ils ont demandé au tribunal de le reconnaître coupable de corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs.
Des infractions qui font encourir à l'ancien chef de l'Etat, âgé de 70 ans, dix ans d'emprisonnement, 375.000 euros d'amende et une privation des droits civiques (donc une inéligibilité) allant jusqu'à cinq ans.
- "Ambition dévorante" -
"Derrière l'image de l'homme public se dessine, au gré des enquêtes judiciaires, la silhouette d'un homme porté par une ambition personnelle dévorante, prêt à sacrifier sur l'autel du pouvoir les valeurs essentielles telles que la probité, l'honnêteté et la droiture", a déclaré mardi soir Quentin Dandoy, l'un des trois procureurs.
Assis face aux représentants du ministère public, Nicolas Sarkozy, qui clame vigoureusement son innocence depuis l'origine, et dont la défense plaidera au dernier jour du procès le 8 avril, avait enragé en silence, genoux agités, souriant parfois jaune ou ne pouvant réprimer une remarque outrée, indéchiffrable depuis les bancs de la presse.
En fin d'après-midi, l'ancien président de la république a réagit publié sur ses réseaux sociaux et a dénoncé "l'outrance de la peine réclamée".
Définitivement condamné à un an de prison ferme pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite des écoutes ou Bismuth, il porte depuis le 7 février un bracelet électronique à la cheville.
En plus de l'ex-président, le PNF requiert contre onze prévenus, dont trois anciens ministres: Claude Guéant, 80 ans, absent pour des raisons de santé, ainsi que Brice Hortefeux, absent pour des raisons personnelles "légitimes" selon la présidente, et Eric Woerth.
Selon l'accusation, le premier, alors directeur de cabinet au ministère de l'Intérieur, a "négocié" en 2005 "pour le compte de Nicolas Sarkozy le pacte de corruption", qui a été "mis en œuvre" par Brice Hortefeux.
Quant à Eric Woerth, en tant que trésorier de la campagne, il doit être, pour le PNF, condamné pour complicité de financement illégal, car il aurait dissimulé de l'argent liquide dans les comptes.
Deux canaux de financement, respectivement par virements et remises de cash, ont été mis en place, selon l'accusation, deux canaux qui correspondent aux deux intermédiaires de ce dossier: Ziad Takieddine (en fuite) et Alexandre Djouhri.
Sont jugés aussi un ancien proche de Nicolas Sarkozy, Thierry Gaubert, le directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, Bechir Saleh (en fuite), ainsi que deux hommes d'affaires saoudiens, un banquier franco-djiboutien et un ex-cadre d'Airbus.
(C.Fournier--LPdF)