Hank Skinner se dit "optimiste" après 27 ans dans le couloir de la mort
"Je suis optimiste. Je ne vais pas finir ici et, pour commencer, je n'aurais jamais dû y être mis", affirme Hank Skinner lors d'une rencontre avec l'AFP dans le couloir de la mort de sa prison au Texas.
Incarcéré à Livingston, une petite ville à 100 kilomètres de Houston, l'homme à la barbe poivre-et-sel fournie et aux grands yeux marrons expressifs a toujours clamé son innocence. Il crie à l'erreur judiciaire depuis qu'il y a 27 ans, le 18 mars 1995, il a été condamné à la peine capitale pour le meurtre de sa petite amie et des deux enfants de celle-ci, à Pampa, dans le nord du Texas.
Ce père de trois enfants, tout juste sexagénaire, attend depuis plus de trois ans une décision de la cour d'appel du Texas, la plus haute juridiction pénale de l'Etat, qui doit évaluer si le jury qui l'a condamné à mort aurait pris une autre décision s'il avait bénéficié de tests ADN aujourd'hui disponibles.
Il n'a pas nié avoir été dans la maison où les trois sont morts mais assure qu'il était inconscient après avoir absorbé de l'alcool et de la codéine. Retrouvé à proximité avec du sang sur ses vêtements, le condamné affirme que certains tests ADN prouvent son innocence.
Le Texas compte 197 condamnés à la peine capitale. En 2020 et 2021, six ont été exécutés mais onze ont quitté le couloir de la mort, ayant bénéficié d'une révision de leur peine.
Certains sont toujours derrière les barreaux, comme Raymond Riles, atteint de maladie mentale, dont la condamnation à mort de décembre 1976 a été commuée en prison à vie.
D’autres sont libres, comme Cesar Fierro, renvoyé au Mexique après 40 ans dans le couloir de la mort.
Si la cour donne raison à la défense d'Hank Skinner, il restera emprisonné mais pourra faire appel pour prouver son innocence.
- Cinq dates d'exécution -
À cinq reprises, il s'est vu fixer une date d'exécution par la justice. Le 24 mars 2010, la Cour suprême des États-Unis l'a épargné 23 minutes avant l'injection létale prévue, juste après ce qui devait être son dernier repas.
Son avocat lui annonce alors la bonne nouvelle.
"J'ai fait tomber le téléphone et j'ai glissé le long du mur. Je n'ai pas réalisé, mais des larmes coulaient de mes deux yeux. J'ai eu l'impression que quelqu'un m'enlevait un poids de mille kilos de la poitrine. Je me sentais si léger. J'ai cru que j'allais flotter…", explique Hank Skinner derrière une vitre, dans l'uniforme blanc du centre de détention Allan B. Polunsky.
Le choc euphorique passé, paradoxalement, il subit un contrecoup terrible à l'idée de regagner le couloir de la mort "et toute la souffrance d'ici".
Pour lui, voir des codétenus mourir est plus dur que l'enfermement dans une petite cellule 22 à 23 heures par jour, sans télévision et sans contact physique avec d'autres personnes que les gardiens quand ils le menottent ou le démenottent. En tout 127 détenus ont été mis à mort depuis 2010 au Texas, l'Etat qui exécute le plus dans le pays.
Il vit dans un vacarme du matin au soir: "Il y a les personnes dérangées qui frappent les murs", témoigne-t-il.
"Ils donnent des coups de pied aux portes, crient, hurlent à pleins poumons. D'autres croient qu'on leur parle et répondent en hurlant. Et il y a ceux qui communiquent vraiment... Mais on apprend à faire abstraction".
Sans lumière du jour et avec un petit-déjeuner servi vers 03H00 du matin, impossible pour lui de trouver un rythme de vie régulier.
Il dort quand il s’écroule de fatigue et profite des périodes plus calmes de la nuit pour lire, bien souvent, les dossiers d'autres condamnés.
Ayant travaillé dans un cabinet d’avocat avant sa condamnation, il leur fait profiter de son expertise.
- Marié à une Française -
"J'aide à faire appel toutes les personnes qui me le demandent, sauf celles qui violent des bébés, les gens qui tuent ou mutilent les enfants. Ça, je ne le peux tout simplement pas", dit-il dans le combiné de téléphone noir du centre de détention.
"J’ai sorti 11 personnes d'ici. C’est mieux que presque tous les autres avocats de condamnés à mort, à part le mien", ajoute-t-il en riant.
En 2008, le prisonnier a épousé une militante française contre la peine de mort, convaincue que Hank Skinner a été victime d'une erreur judiciaire.
S'il est libéré, "(on va) trouver une petite maison dans une forêt où on va pouvoir passer du temps ensemble tous les deux", confie aujourd'hui Sandrine Ageorges-Skinner.
"Je veux passer chaque minute des années qu'il me reste avec ma femme", assure de son côté Hank Skinner.
Le condamné a un autre projet en tête: "Faire supprimer la peine de mort dans le monde", dit-il en souriant. "Je pense que si les gens savaient comment c'est, ils ne voteraient pas pour la peine de mort. J’ai toujours cru en l'humanité".
(F.Bonnet--LPdF)