Le #Metoo français "est tombé sur moi", se défend Ruggia face à Adèle Haenel
"Il fallait un #Metoo français et c'est tombé sur moi". Christophe Ruggia évite depuis le début de son procès lundi le regard noir d'Adèle Haenel mais à la barre face au tribunal, il attaque, et traite de "pur mensonge" les accusations d'agressions sexuelles de l'actrice quand elle était mineure.
Pendant tout le résumé du dossier par le tribunal, Adèle Haenel l'avait fixé de ses yeux furieux, serrant les dents à la lecture des descriptions "constantes" qu'elle a faites des agressions sexuelles qu'elle aurait subies entre ses 12 et 14 ans.
"Tous les samedis après-midi" et toujours de la même façon : sur le canapé, Christophe Ruggia commençait par lui caresser les cuisses, remontait "l'air de rien" pour lui toucher le sexe ou la poitrine sous ses vêtements. "Il respirait fort" et "m'embrassait dans le cou", avait dit Adèle Haenel aux enquêteurs.
Sur le banc des parties civiles, elle semble revivre les faits, son visage plusieurs fois pris de tics nerveux.
"Il lui préparait son goûter préféré" avant de la ramener chez ses parents, rappelle le président Gilles Fonrouge. "Il disait qu'il l'avait créée", que "les autres ne pouvaient pas comprendre, qu'il n'avait pas eu de chance de tomber amoureux d'elle, qu'elle était une adulte dans un corps d'enfant".
Adèle Haenel avait 11 ans au moment du casting de son film "Les Diables" et 12 à l'été 2001 pendant le tournage, "éprouvant" de l'avis des enfants acteurs et des professionnels adultes.
Aux enquêteurs, ils avaient décrit leur "malaise" face au comportement "déplacé" de Christophe Ruggia sur le plateau. "Sa main sur la cuisse" de la jeune actrice, "des trucs dans le cou", elle "assise sur ses genoux". "Ça va pas, on dirait un couple, c'est pas normal", s'était dit une scripte du film.
Le réalisateur avait convaincu les parents d'Adèle Haenel de ne pas venir pour ne pas "empêcher leur fille de jouer correctement".
- "Sensualité débordante" -
A l'époque, il était très occupé, s'étonne le tribunal : "Les seules heures libres que vous avez, vous les passez avec une jeune fille de 12, 13, 14 ans ?"
Christophe Ruggia, qui en avait près de 40 à l'époque, acquiesce, peu assuré.
"Et vous faisiez quoi ?"
"On parle de cinéma, on discute, la plupart du temps on passe 1h-1H30 devant la DVDthèque... Elle me demande +ça c'est quoi ?+, et je lui dis par exemple +Non, Le Parrain, t'es trop jeune+", répond le réalisateur, sous le regard atterré de l'actrice d'aujourd'hui 35 ans.
Des scènes décrites, il ne reconnaît rien. Les "baisers appuyés dans le cou", les "mains sur la cuisse"... "Elle a reconstruit des choses, elle a pu réinterpréter", avance-t-il. Quant aux agressions: du "pur mensonge".
"Mais pourquoi elle vous veut autant de mal ?" interroge le tribunal.
"Je pense qu'elle s'est radicalisée"... "Regardez son parcours depuis cinq ans. Ca commence avec moi, après c'est les César avec Polanski", puis "le cinéma dans son ensemble" et "tous les ministres du gouvernement sont des violeurs", s'emporte-t-il.
Ses tics, troubles nerveux, dépression décrits par l'expertise psychologique, "ça vient d'où ?"
"J'en sais rien, je suis pas psy", balaie M. Ruggia. "Il fallait lancer un #Metoo en France et c'est tombé sur moi", lâche-t-il plus tard.
Soutenant ne "jamais" avoir été amoureux ou "attiré sexuellement" par Adèle Haenel, il redit à la barre la "sensualité" pendant le tournage de l'actrice de 12 ans.
"Oui, elle avait une sensualité débordante, et d'ailleurs elle l'a toujours aujourd'hui", lance-t-il.
Adèle Haenel a de plus en plus de mal à contenir son agitation.
Plus tôt, le tribunal avait montré des extraits du film, racontant une histoire incestueuse entre un frère et sa soeur autiste, abandonnés à la naissance. Au grand écran, on voit notamment Adèle Haenel sortir d'une douche et emprunter un long couloir entièrement nue. Des gros plans sur sa poitrine d'enfant alors qu'elle se caresse et effectue des mouvements de langue.
Adèle Haenel, qui avait détourné le regard, doit témoigner après lui.
(R.Dupont--LPdF)