Macron joue la corde d'une taxe streaming, écho et larsen dans le secteur musical
L'annonce fait du bruit: le jour de la Fête de la musique, Emmanuel Macron a brandi la perspective d'une taxe sur les revenus du streaming si la filière musicale ne s'accorde pas sur de nouvelles voies de financement de la création.
Si l'harmonie n'est pas trouvée au 30 septembre, "le gouvernement se réservera la possibilité de saisir le Parlement d'une contribution obligatoire des plateformes de streaming" musical, indique un communiqué de l'Elysée diffusé mercredi soir.
Le chef de l'Etat a demandé à la ministre de la Culture Rima Abdul Malak de réunir "sans délai l'ensemble des acteurs de la filière". Les échanges seront-ils sans fausse note ?
"Après avoir empêché la guerre en Ukraine et refondé la France en cent jours, le président Macron s'attaque au streaming", a d'abord taclé mercredi soir sur Twitter Bertrand Burgalat, président du Snep (Syndicat national de l'édition phonographique).
Son syndicat a adouci le ton dans un communiqué jeudi: "Nous entrons dans cette concertation avec l'esprit de responsabilité invoqué par la Présidence". Prévenant toutefois que "les plateformes françaises et européennes, dont le modèle économique est centré sur la diffusion de musique, n'ont pas atteint le seuil de rentabilité".
L'opposition reste vive du côté de l'ESML (Syndicat des éditeurs de service de musique en ligne), selon un communiqué transmis à l'AFP jeudi: "Alors que nos services de streaming musical français et européens souffrent d'une concurrence déloyale des GAFA, qui ne contribuent pas à la même hauteur que nous au financement de l'industrie musicale, nous craignons les conséquences catastrophiques de cette taxe sur le streaming musical, sur les ayants droits et finalement sur la création".
- Taxe de 1,75% -
En revanche, une vingtaine d'organismes représentatifs de la filière, dont l'Upfi (Union des producteurs phonographiques français indépendants), le Sma (Syndicat des musiques actuelles) et le Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de variété) ont rappelé dans un texte commun jeudi avoir "collectivement soutenu la piste d'une mise à contribution de la diffusion numérique (plateformes de streaming, réseaux sociaux, etc.)". "Tant dans son activité payante que gratuite", poursuivent ces instances qui se "rendront disponibles pour la concertation professionnelle à venir", ajoutant que "le temps presse".
La présidence s'appuie sur un rapport du sénateur Julien Bargeton (Renaissance), rendu en avril. Ce dernier préconise une taxe de 1,75% sur les revenus du streaming musical payant et celui gratuit financé par la publicité.
De nouvelles sources de financement sont nécessaires pour "préserver la souveraineté culturelle française" et assurer "une juste rémunération des artistes et des créateurs", a souligné mercredi l'Elysée, souhaitant aussi que cette manne soutienne "l'innovation et l'exportation".
- "Taxe anti-rap" -
A l'automne 2022, les débats s'étaient cristallisés sur une contribution obligatoire de 1,5% des revenus des abonnements payants sur les plateformes musicales pour aider le Centre national de la musique (CNM), instance étatique et sectorielle créée en 2020, à soutenir la création française.
"Non à la taxe streaming. Taxe anti-rap. Taxe raciste. Taxe non justifiée", avait à l'époque chargé sur ses réseaux sociaux le rappeur Niska, craignant que les revenus du streaming du rap, musique dominante dans les charts, soient ainsi ponctionnés.
Ce projet de taxe, porté par des députés de la gauche Nupes via des amendements rejetés fin 2022, a crée des remous dans la filière.
Les divisions se sont d'ailleurs invitées au menu d'un déjeuner du secteur sous l'égide du Prodiss mercredi. Le Snep l'a boycotté, dénonçant sur Twitter "les faux-semblants d'union d'un écosystème musical plus divisé que jamais".
Présent au déjeuner, Antoine Monin, directeur général pour la France et le Benelux de Spotify, a fait grincer des dents en prenant la parole au nom de l'ESML: "La filière musicale française et le CNM méritent mieux que (le rapport Bargeton). Si la première saura se remettre d'une énième guerre picrocholine, je ne suis pas certain que le second survivra à une telle fracture originelle".
(V.Blanchet--LPdF)