Présidentielle au Gabon: l'opposition demande à nouveau à M. Bongo de concéder la défaite
Le camp d'Albert Ondo Ossa, principal rival du président Ali Bongo Ondimba à l'élection de samedi au Gabon, a réaffirmé lundi avoir gagné, en l'absence de résultats officiels, et a appelé le chef de l'Etat à "organiser la passation du pouvoir".
M. Ondo Ossa, derrière lequel les principaux partis d'opposition se sont rangés, avait déjà dénoncé des "fraudes" du camp Bongo samedi, à deux heures de la fermeture des bureaux de vote, et demandé à être "déclaré vainqueur".
"Nous appelons nos compatriotes qui gravitent autour de ce pouvoir plus que jamais dépourvu de légitimité, particulièrement ceux autour de M. Ali Bongo Ondimba" à "s'incliner humblement devant la volonté du peuple gabonais", a déclaré Mike Jocktane, le directeur de campagne de M. Ondo Ossa, lors d'une conférence de presse à Libreville.
"Ce qui est désormais attendu de M. Ali Bongo Ondimba, (c') est qu'il accepte le choix souverain du peuple gabonais, qu'il le respecte et qu'il organise, sans effusion de sang, la passation du pouvoir en faveur du professeur Albert Ondo Ossa", a martelé M. Jocktane.
A l'appui de cette demande, il a invoqué une "tendance", qu'il a chiffrée, basée sur "la consolidation de plus de 50% des votes" exprimés, sans présenter de document à l'appui.
La loi gabonaise interdit à tout média de reproduire des chiffres avancés par M. Jocktane ou quiconque, dans l'attente des résultats officiels que seul le Centre Gabonais des Elections (CGE) est habilité par la loi à proclamer.
- Barrages -
Interrogé à plusieurs reprises par l'AFP dimanche et lundi, le CGE a refusé de donner des indications sur l'état d'avancement du dépouillement et sur la date et l'heure de proclamation des résultats officiels.
Samedi, à l'heure prévue de la fermeture des bureaux de vote, le gouvernement a fait suspendre l'accès à internet dans tout le pays et décrété un couvre-feu pour le lendemain, en invoquant des risques de violences après les déclarations de M. Ondo Ossa qui exigeait d'être proclamé vainqueur.
L'accès à internet n'était toujours pas restauré lundi soir et l'armée et la police avaient installé en soirée des barrages dans toute la capitale pour faire respecter le couvre-feu pour la deuxième nuit consécutive.
M. Bongo, 64 ans, a été élu en 2009 après la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui avait dirigé ce petit Etat d’Afrique centrale riche de son pétrole plus de 41 ans. L'opposition dénonce la perpétuation d'une "dynastie Bongo" de plus de 55 ans à ce jour.
Le président Bongo, chef de l'Etat depuis 14 ans, brigue un troisième mandat, réduit de 7 à 5 ans. Les élections de samedi regroupaient trois scrutins, présidentiel, législatifs et municipaux, tous sur un seul tour.
La principale plateforme des partis de l'opposition, Alternance 2023, avait finalement choisi son "candidat consensuel" en la personne de M. Ondo Ossa, 69 ans, huit jours seulement avant le scrutin, au terme d'une âpre lutte entre six prétendants. Ce qui n'avait laissé que six jours à ce professeur agrégé d'économie à l'université de Libreville, et ancien ministre d'Omar Bongo, pour faire campagne.
- "Incompréhension"
A la proclamation des résultats de la présidentielle de 2016, remportée de 5.500 voix seulement par M. Bongo, son principal rival Jean Ping avait dénoncé des fraudes et s'était autoproclamé président.
Une vague de violences à Libreville avait ensuite fait au moins cinq morts, selon le gouvernement. L'opposition avait fait état d'une trentaine de victimes, tuées par les balles des forces de l'ordre.
Trois jours avant le scrutin de samedi, la justice a ouvert une enquête sur un enregistrement présumé d'une conversation attribuée à M. Ondo Ossa et un autre opposant, pour des propos qui "laissent présager une atteinte à la sûreté de l’Etat".
Samedi soir, outre la coupure d'internet, l'organe de surveillance des médias a également annoncé "l'interdiction provisoire de diffusion au Gabon" des chaînes de télévision françaises France 24 et TV5 Monde et de Radio France internationale (RFI), auxquelles il était "reproché un manque d'objectivité et d'équilibre".
Dimanche, RFI et France 24 ont fait part de leur "incompréhension" face à cette décision, qui "prive les Gabonais de deux de leurs principales sources d'information fiables et indépendantes".
Le gouvernement n'avait accordé aucune accréditation aux journalistes étrangers qui souhaitaient venir couvrir les élections et a refusé l'entrée du territoire à d'autres.
(Y.Rousseau--LPdF)