Les Ukrainiens de Kalush Orchestra ensorcèlent l'Eurovision
Outre son indéniable talent basé sur des rythmes ensorcelants mêlant hip-hop et musique traditionnelle, le groupe ukrainien Kalush Orchestra surfe aussi sur une déferlante de sympathie envers son pays en guerre, avec en ligne de mire la victoire à la finale de l'Eurovision samedi soir à Turin.
Sa chanson, intitulée "Stefania", a été écrite par le leader du groupe Oleh Psiuk, un rappeur de 27 ans, en hommage à sa mère.
Mais cette chanson choisie en février pour représenter l'Ukraine à l'Eurovision, donc avant le début de l'invasion russe, a revêtu un nouveau sens alors que le pays est en guerre depuis bientôt trois mois. Des paroles comme "Je trouverai toujours le chemin de la maison même si toutes les routes sont détruites" prennent une résonance toute particulière.
Le groupe, qui a reçu une ovation mardi après avoir passé le cap des demi-finales, est considéré par les bookmakers comme l'un des favoris pour la finale de samedi.
"Nous avons le sentiment d'être en mission ici, parce qu'au moment où nous parlons la culture ukrainienne est en train d'être anéantie", a confié à l'AFP Oleh Psiuk.
"Mais c'est notre rôle de montrer qu'elle est bien vivante, et qu'elle a tant à offrir. Elle est unique, elle représente vraiment chaque Ukrainien qui souffre dans le monde aujourd'hui".
Bien que considéré comme apolitique, le plus grand concours de chansons au monde, regardé chaque année par des dizaines de millions de téléspectateurs, reflète inévitablement les tensions géopolitiques du moment. Cette année, la Russie, qui y participe depuis 1994, a été exclue par les organisateurs au lendemain de son invasion de l'Ukraine.
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Le Kalush Orchestra, 100% masculin et composé de six membres (Oleh Psiuk, Ihor Didenchuk, Tymofii Muzychuk, Vitalii Duzhyk, Oleksandr Slobodianyk et MC KylymMen), est le successeur du groupe de hip-hop fondé par Psiuk, Kalush, du nom de sa ville natale dans l'Ouest de l'Ukraine.
Il incorpore des instruments traditionnels de musique folklorique comme le telenka et le sopilka, deux instruments à vent ressemblant à des flûtes.
Endossant des vêtements traditionnels richement brodés, le groupe est aussi immédiatement reconnaissable grâce au chapeau couleur rose chewing-gum porté par Psiuk et à la combinaison intégrale à motifs de tapis ethnique multicolore de MC KylymMen.
Mais c'est avant tout le son de Kalush Orchestra, qui "mêle de l'ancienne musique folk et même des sons oubliés avec des éléments de rap hip-hop super modernes et compréhensibles par tout le monde", qui rend le groupe unique, a affirmé Oleh Psiuk lors d'une conférence de presse la semaine dernière.
Pour remporter l'Eurovision, le Kalush Orchestra devra battre les 24 autres finalistes en recueillant le maximum de votes auprès des professionnels du monde de la musique et du public dans chaque pays, qui ne peuvent pas voter pour leur propre candidat.
En cas de victoire, la prochaine édition du concours devrait se tenir en Ukraine, qui serait selon les mots d'Oleh Psiuk "une Ukraine nouvelle, intégrée, développée et florissante".
Bien qu'un membre du groupe soit resté en Ukraine pour défendre Kiev, selon Oleh Psiuk, le gouvernement ukrainien a donné au groupe une autorisation spéciale pour qu'il puisse se produire à l'Eurovision.
"C'est pourquoi nous voulons être aussi utiles que possible pour notre pays", a affirmé M. Psiuk aux journalistes. "Représenter son pays compte à tout moment, mais le représenter en temps de guerre compte encore plus, c'est une grande responsabilité pour nous".
Selon lui, tous les membres rentreront en Ukraine aussitôt après la fin du concours pour reprendre leur vie. Dans leur dossier de presse, diffusé avant le début de la compétition, il est d'ailleurs précisé qu'"ils seront autorisés à partir pour la finale du 14 mai, mais ils doivent rentrer le lendemain, en tant qu'hommes en âge de combattre".
(O.Agard--LPdF)