Au salon CES, la tech chinoise inquiète mais pas affolée par les droits de douane de Trump
Les entreprises chinoises sont venues par dizaines au salon de la technologie CES, malgré la menace de nouveaux droits de douane proférée par Donald Trump, qui les préoccupe sans les faire paniquer.
Le constructeur automobile XPeng et son véhicule volant ou le géant des équipements médias TCL et sa télévision qui parle ont fait grand bruit cette semaine à Las Vegas, mais derrière ces étendards, les travées du CES étaient truffées d'autres représentants de la tech chinoise.
Selon Gary Shapiro, président de l'Association de la technologie grand public (CTA), aux manettes du CES, les organisateurs n'ont pas observé d'annulations significatives depuis l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.
Le futur chef de l'Etat américain a promis d'imposer des droits de douane supplémentaires de 60% aux produits chinois importés aux Etats-Unis.
"Nous sommes inquiets de la politique de Trump, mais nous pensons que ça ne durera pas", avance Mekia Yang, de la start-up Jitlife, qui fabrique des valises à moteur dans la province de Guangdong.
"Trump va peut-être la jouer dur au départ, mais il pourrait évoluer ensuite sous la pression des consommateurs", anticipe-t-elle, "parce que les droits de douane vont faire monter les prix et les Américains vont se plaindre".
"Nous n'allons pas changer nos prix, mais nos clients vont encaisser les droits de douane" et payer plus cher, prévoit un représentant du Chinois Dianwei, spécialisé dans les connecteurs.
- Plan de sortie -
Dans le doute, Mammotion Technology, qui conçoit des tondeuses à gazon autonomes, préfère anticiper.
"Nous travaillons à un plan de sortie de Chine de notre appareil productif vers d'autres pays, comme la Thaïlande, le Vietnam et d'autres nations d'Asie", explique Zhanbin Ao, directeur commercial.
"Une fois que ce sera fait, les droits de douane ne seront plus un sujet pour nous", ajoute-t-il.
L'inquiétude se ressent aussi côté américain, notamment chez le géant des véhicules utilitaires Oshkosh.
"Notre chaîne d'approvisionnement est mondiale", décrit son directeur général John Pfeifer. "Si ces droits de douane nous touchent, il faudra probablement la reconfigurer en partie."
"Si ce n'est pas possible, on peut changer la conception ou être contraints de répercuter la hausse des coûts sur le consommateur", avertit-il.
En 2023, Les Etats-Unis ont importé quelque 427 milliards de dollars de biens chinois, un chiffre néanmoins en baisse de 20% sur un an, le plus bas depuis onze ans.
Un décrochage que plusieurs économistes interprètent notamment comme la manifestation d'une diversification de la production mondiale, qui a notamment bénéficié au Mexique, menacé, lui, de droits de douane de 20% par Donald Trump.
"Ces pays auxquels nous allons imposer des droits de douane vont répliquer, et nos exportations vont en souffrir", prévient Gary Shapiro.
"Si vous avez un avantage (technologique) significatif, vous pouvez éviter un coup trop dur", estime Li Yi, directeur général du spécialiste des lasers Appotronics. "Si les gens considèrent toujours que votre produit est compétitif (sur le plan technique), ils continueront à l'acheter."
"Si vous avez un produit de base", sans différentiation technologique, "cela va être davantage un problème pour vous", ajoute le dirigeant.
"Si de nouveaux droits de douane sont instaurés", dit Li Yi, "cela va pousser les entreprises chinoises à se concentrer sur la propriété intellectuelle, l'innovation", pour se démarquer autrement que par leurs prix bas.
Haojia Dengyang, de la société chinoise Shenzhen Haoqitansuo Technology, qui vend notamment des coques de protection pour smartphone sous la marque Torras, partage ce diagnostic.
Il ne craint pas les droits de douane, "parce que nos produits sont utiles", dit-il de Torras, dont les Etats-Unis sont le premier marché, "ils apportent un vrai service aux gens".
De nombreux importateurs américains semblent d'accord, notamment ceux qui ont témoigné des marques d'intérêt à Jitlife en marge du CES.
Quoi qu'il arrive, "le marché américain restera très important pour les sociétés chinoises", selon Mekia Yang, "et les échanges entre les deux pays demeureront conséquents".
(Y.Rousseau--LPdF)