Pourparlers russo-ukrainiens en Turquie, au lendemain du bombardement d'un hôpital pédiatrique
Les chefs de la diplomatie russe et ukrainienne se rencontrent jeudi en Turquie pour la première fois depuis le début de l'invasion russe en Ukraine le 24 février, des pourparlers qui interviennent au lendemain du bombardement d'un hôpital pédiatrique dans la ville assiégée de Marioupol dans lequel trois personnes, dont une fillette, ont trouvé la mort.
Le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et son homologue ukrainien Dmytro Kuleba, tous deux arrivés à Antalya (sud), station balnéaire prisée des touristes russes, ont débuté jeudi matin leur entretien sous la médiation du chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu.
Des responsables de Kiev et Moscou se sont déjà rencontrés à plusieurs reprises mais c'est la première fois que la Russie, de plus en plus isolée par les sanctions occidentales qui la visent, a dépêché un ministre pour des discussions sur cette crise, qui a débuté il y a deux semaines exactement.
Les pourparlers entre Kiev et Moscou ont jusqu'à présent abouti à plusieurs cessez-le-feu locaux et à l'ouverture de corridors humanitaires pour évacuer des civils de villes assiégées, mais la Russie a été à plusieurs reprises accusée d'avoir violé ces accords.
"Je n'ai pas grand espoir mais nous ferons tout pour en retirer le maximum", a déclaré M. Kuleba avant la rencontre d'Antalya, affirmant que "tout dépendra des instructions que Lavrov aura reçues".
Lors d'un premier entretien bilatéral avec M. Cavusoglu, M. Kuleba a indiqué qu'il insisterait auprès de son homologue russe sur "un cessez-le-feu immédiat", "une amélioration de la situation humanitaire à Marioupol, Kharkiv, Soumy, Volnovakha et d'autres villes ukrainiennes", et "un retrait des troupes russes" du territoire ukrainien, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères ukrainien.
En attendant, la Russie maintient une campagne de bombardements et un siège des grandes villes. A l'image du bombardement mercredi d'un hôpital pour enfants à Marioupol, port stratégique sur la mer d'Azov (sud-est) assiégé par les forces russes.
Trois personnes, dont une fillette, y ont péri, a annoncé dans un nouveau bilan jeudi la mairie de Marioupol, qui faisait état la veille de 17 blessés.
La Maison Blanche a de son côté dénoncé un usage "barbare" de la force contre des civils, et le Premier ministre britannique Boris Johnson a qualifié le bombardement d'"immoral".
Le bombardement s'est produit alors que des femmes étaient en train d'accoucher dans l'hôpital, qui venait d'être ré-équipé, a indiqué à l'AFP un membre de l'administration militaire de la région de Donetsk.
Le gouvernement russe n'a pas nié l'attaque, mais a affirmé que des "bataillons nationalistes" ukrainiens utilisaient l'hôpital comme base de tirs.
Les neuf jours de siège de Marioupol ont déjà fait 1.207 morts, a affirmé mercredi soir la mairie.
Dans son dernier bilan mercredi, l'ONU a estimé que 516 civils ont été tués et plus de 800 blessés en Ukraine depuis le début de l'invasion, qui a jeté sur les routes de l'exil plus de deux millions de réfugiés.
- Encercler Kiev -
Dans un point sur la situation à minuit, heure locale (22H00 GMT mercredi), l'Etat major ukrainien a indiqué que les forces russes poursuivaient leur "opération offensive" pour encercler Kiev, tout en attaquant sur d'autres fronts les villes d'Izioum, de Petrovske, de Hrouchouvakha, de Soumy, d'Okhtyrka, ou dans les régions de Donetsk et Zaparojie.
Au nord-est de Kiev, des panaches de fumée s'élevaient jeudi matin au dessus de Skybyn, à moins d'un kilomètre de Kiev, a constaté un journaliste de l'AFP. La route était coupée et les soldats prévenaient que des tirs d'artillerie pouvaient débuter à tout moment.
Deux femmes et un garçon de 13 ans ont été tués lors d'un bombardement nocturne à Velyka Pysarivka, selon le chef de l'administration militaire de la région de Soumy (nord-est), Dmytro Jivitsky.
Des couloirs humanitaires ont de nouveau été ouverts jeudi matin pour permettre l'évacuation de civils de zones durement frappées par les combats, qui ont obligé les habitants de plusieurs grandes villes à rester parfois des jours cachés dans des caves.
Au moins 35.000 civils ont été évacués mercredi de Soumy, d'Enerhodar et de zones proches de la capitale Kiev, a annoncé le président Zelensky mercredi soir.
- "Assistance militaire" -
Les élus américains de la Chambre des représentants ont adopté mercredi soir un nouveau budget fédéral américain qui comprend une enveloppe de près de 14 milliards de dollars pour la crise ukrainienne.
Le texte, qui comprend un volet économique et humanitaire, mais aussi des livraisons d'armes et de munitions pour Kiev, doit désormais être voté au Sénat.
Le FMI a également approuvé mercredi une aide d'urgence d'un montant de 1,4 milliard de dollars en faveur de l'Ukraine.
Washington a en revanche définitivement rejeté la proposition de la Pologne de livrer à l'armée américaine ses avions Mig-29 pour qu'ils soient ensuite remis à l'Ukraine, jugeant l'offre de Varsovie "risquée" et susceptible de provoquer une escalade russe.
Depuis le début, les Américains et leurs alliés s'efforcent d'aider l'Ukraine tout en évitant l'implication directe des Etats membres de l'Otan.
Le ministère russe de la Défense a de son côté accusé jeudi les Etats-Unis d'avoir financé un programme d'armes biologiques en Ukraine, affirmant avoir trouvé des preuves en ce sens dans des laboratoires ukrainiens.
Du côté de l'Union européenne, les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 Etats membres vont se pencher jeudi et vendredi à Versailles, près de Paris, sur les défis économiques et sécuritaires posées par la guerre en Ukraine en Europe.
Après deux semaines de conflit, les sanctions occidentales font parallèlement de plus en plus sentir leurs effets en Russie, tandis qu'un nombre croissant d'entreprises se désengageant du pays après l'invasion russe de l'Ukraine.
Derniers en date, les géants japonais du jeu vidéo Sony et Nintendo ont annoncé la suspension de leurs expéditions à destination de la Russie.
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(Y.Rousseau--LPdF)