Aux Etats-Unis, un mouvement prône des enterrements éco-responsables grâce au "compost humain"
Un pivert se perche sur une branche tandis que Cindy Armstrong contemple une parcelle de terrain qui fut jadis son fils.
Elle sourit en se remémorant que le jeune homme, terrassé par un cancer, souhaitait que sa dépouille soit compostée pour permettre à une nouvelle vie de s'épanouir.
Cette volonté s'inscrit dans un mouvement qui milite pour des funérailles plus soucieuses de l'environnement aux Etats-Unis.
"J'étais mortifiée", se souvient-elle. "Mais maintenant que je suis allée au bout du processus, j'y suis complètement favorable. Je serai transformée en humus."
La dépouille compostée de son fils en a rejoint d'autres qui servent à restaurer un flanc de coteau de la ville de Kent, près de Seattle. Ancien repaire de toxicomanes, le versant était autrefois parsemé de voitures éventrées, parfois criblées de balles.
"Il voulait un retour à la nature", indique Mme Armstrong au sujet de son fils Andrew, décédé à 36 ans.
Le terrain appartient à la start-up Return Home, qui a réalisé 40 humusations depuis son lancement dans la ville voisine d'Auburn il y a 7 mois.
- "Mieux mourir" -
"C'est comme si ces personnes nous apprenaient à mieux mourir", affirme le patron-fondateur de Return Home, Micah Truman, lors d'une visite d'une vaste salle emplie de rangées de grands contenants métalliques, qualifiés de "réceptacles".
La pièce est bien éclairée et une musique entraînante y est diffusée. Les proches, qui s'y rendent lors du processus de décomposition de 60 jours, peuvent choisir des chansons célébrant l'existence de ceux qu'ils ont perdus.
Les corps ne sont pas embaumés afin d'éviter l'utilisation de produits chimiques. Les familles sont invitées à déposer des fleurs ou des matériaux biodégradables sur la paille et les autres ingrédients naturels.
La quantité de matière organique ajoutée est près de trois fois plus importante que le poids du corps humain, ce qui permet de produire des centaines de kilos de compost.
Des capteurs surveillant l'humidité, la température et l'écoulement de l'air sont synchronisés à un ordinateur pour optimiser le processus de décomposition.
A mi-chemin, les os sont retirés et broyés en de fines particules avant d'être replacés dans le réceptacle pour être également transformés en compost.
Le produit final a l'apparence et la consistance du compost ordinaire.
Les familles peuvent en conserver la quantité qu'elles souhaitent, le reste servant à la restauration du flanc de coteau.
Des plans locaux d'urbanisme interdisent toute construction sur le terrain.
- Funérailles vertes -
Pour Edward Bixby, président du Green Burial Council, ce processus "consiste à retourner à la terre tel que nous sommes venus".
"Nous étions poussière, nous retournons dans la poussière", décrit M. Bixby, qui a ouvert le premier cimetière pour des enterrements naturels dans le New Jersey il y a 5 ans et s'est depuis implanté dans dix Etats américains.
Le Green Burial Council, qu'il préside, rassemble plus de 400 entreprises dédiées à ces funérailles vertes, dont une partie hors des Etats-Unis.
Selon cette organisation, une seule crémation nécessite autant de carburant que le réservoir d'un SUV et les corps réduits en cendres produisent des gaz à effet de serre.
Les services de Return Home sont facturés 5.000 dollars, à peu près le même prix qu'une crémation. Il faut compter le double ou le triple pour des funérailles traditionnelles.
Il est possible de faire envelopper le corps dans un linceul biodégradable ou de le placer dans une boîte en bois, puis de l'enterrer.
La start-up californienne Coeio vend un habit funéraire contenant du mycélium, censé "neutraliser les toxines du corps humain et transférer les nutriments vers la flore".
Les enterrements écologiques s'inscrivent dans une approche naturelle de la mort, affirment ses défenseurs.
"Les gens ont commencé à avoir peur de la mort et de mourir à cause des films d'horreur et des choses de ce genre", explique M. Bixby. "On a toujours eu la possibilité de s'occuper de nos proches après leur mort, on l'a juste oublié."
(F.Bonnet--LPdF)