Se sevrer du gaz russe pèserait lourdement sur l'économie européenne, selon un responsable du FMI
L'Europe peut se passer du gaz russe au cours des six prochains mois mais, au-delà, l'impact économique serait sévère, souligne Alfred Kammer, le directeur Europe du FMI, qui préconise une série de mesures alternatives comme réduire la consommation pour constituer des stocks.
"Au cours des six prochains mois, l'Europe peut s'accommoder d'une interruption totale", a déclaré le responsable allemand du Fonds monétaire international lors d'un entretien avec l'AFP en marge des réunions de printemps à Washington.
En été, les besoins sont moins importants et les pays européens pourraient aussi puiser dans leurs stocks. Pour autant, la réduction des stocks à des niveaux critiques entraînerait de fortes pressions à la hausse sur les prix qui sont déjà à des niveaux record, met en garde le responsable.
"En revanche, si l'interruption devait durer jusqu'à l'hiver, voire sur une plus longue période, cela aurait des effets (négatifs) importants" sur l'économie européenne, a poursuivi M. Kammer, pointant du doigt le sérieux risque de coupures pendant l'hiver.
La Russie est le plus grand fournisseur de gaz naturel d'Europe.
L'interruption des importations de gaz, en rétorsion à l'invasion russe en Ukraine, est une des options discutées au sein des pays occidentaux pour faire pression sur Moscou pour qu'elle cesse les hostilités. Mais la Russie pourrait, elle-même, décider de couper le robinet mettant en péril les approvisionnements en Europe.
Le FMI a calculé qu'une interruption totale des approvisionnements en gaz et en pétrole russe pourrait potentiellement coûter 3% à l'économie de l'Union européenne.
L'estimation de l'impact reste soumise à une grande incertitude puisque l'on ne peut pas, par exemple, prédire aujourd'hui si l'hiver prochain sera long et rigoureux.
Mais face au potentiel effet sur l'économie, Alfred Kammer recommande des mesures alternatives d'urgence.
"Il n'y a pas d'option unique susceptible d'avoir un impact important" à elle seul, admet-il. "Mais l'accumulation de nombreuses petites mesures auront un impact plus important".
L'une des mesures est la recherche de sources d'approvisionnement alternatives et les pays ont déjà commencé à le faire en se tournant vers l'Algérie ou la Norvège, souligne-t-il.
Les consommateurs ont également un rôle important à jouer pour participer à l'effort collectif.
Les gouvernements peuvent sensibiliser leur population via "des campagnes d'information pour réduire la consommation d'énergie".
- Consommateur -
"Le consommateur peut agir dès maintenant", insiste le responsable de l'institution. "Et réduire la consommation d'énergie permet de stocker davantage de gaz (...) qui permettra d'atténuer les effets de coupures ultérieures" potentielles.
Pour accélérer leur transition énergétique, les populations les plus vulnérables pourraient, elles, se voir proposer des subventions, suggère-t-il également.
Toutes ces mesures ont un effet "modeste" si elles sont prises indépendamment les unes des autres. Mais additionnées, il y aura un effet d'accumulation.
Bien que la guerre en Ukraine ait fortement ralenti la croissance en Europe, Alfred Kammer estime que "la reprise ne va pas dérailler".
"Nous ne voyons pas de récession", a-t-il ajouté. Les grandes économies de la zone euro, exception faite de l'Espagne, seront "faibles en 2022" et un trimestre ou deux de croissance proche de zéro voire une récession technique avec deux trimestres négatifs ne sont pas exclus.
Mais le FMI s'attend à ce que ces économies se reprennent au second semestre de cette année.
- "Une aubaine" -
Parallèlement, au défi énergétique posé par l'offensive russe, les pays européens sont confrontés à la crise des réfugiés qui fragilisent les budgets de certaines économies comme celui de la Pologne qui a accueilli de nombreux Ukrainiens.
L'enjeu est qu'un maximum des cinq millions de personnes ayant fui le conflit puissent retourner en Ukraine pour aider à la reconstruction du pays.
"Certains de ces réfugiés resteront en Europe, j'en suis sûr", poursuit Alfred Kammer. Mais ce n'est pas une mauvaise chose, c'est même "une aubaine" si l'intégration est réussie, selon lui, pour les pays confrontés au vieillissement de leur population et au manque de main d'oeuvre.
"Il ne faudrait toutefois pas qu'ils soient en trop grand nombre" car cela compromettrait alors la reprise de l'Ukraine.
(C.Fournier--LPdF)