Procès de Brétigny: la mission de sécurité du réseau au coeur des débats
Au deuxième jour du procès de la catastrophe ferroviaire de Brétigny, le tribunal a longuement interrogé la Société nationale SNCF et SNCF Réseau sur leur répartition des missions de sécurité, des débats techniques mais essentiels pour établir leurs éventuelles responsabilités dans le déraillement.
Pour la présidente, Cécile Louis-Loyant, comprendre cet historique des relations entre les deux entreprises est essentiel pour le procès, car "les décisions prises il y a 20, ou 30 ans, ont eu des conséquences en 2013".
Cette année-là, le 12 juillet, le retournement d'une éclisse en acier - sorte de grosse agrafe reliant deux rails consécutifs - fait dérailler un train Intercités en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne), provoquant la mort de 7 personnes et en blessant plus de 400.
L'enjeu de cette deuxième journée du procès, prévu sur huit semaines, était donc de commencer à dessiner les périmètres de la Société nationale SNCF (héritière pénalement de SNCF Infra, chargée de la maintenance) et du gestionnaire des voies SNCF Réseau (ex Réseau Ferré de France, RFF), pour établir leurs éventuelles responsabilités dans le drame.
Poursuivis pour "homicides involontaires" et de "blessures involontaires", elles encourent chacune jusqu'à 225.000 euros d'amende.
Avant de se plonger dans le détail de leur relation, la présidente a noté un déséquilibre financier frappant, à ses yeux : "un cercle vicieux" privilégiant l'entretien au renouvellement des voies, a-t-elle décrit mardi, rapports à l'appui.
- "L'impensable" -
A qui incombait la mission de la sécurité, à l'époque : RFF ou SNCF Infra ?
L'accusation reproche à SNCF Réseau "des fautes" ayant "conduit à l'absence de renouvellement anticipé" de la voie ou à "l'insuffisance des effectifs", ainsi que des défaillances "dans l'organisation, le contrôle et la réalisation des opérations de maintenance" à la Société nationale SNCF.
Pour un avocat des parties civiles, Me Gérard Chemla, les deux entreprises étaient "coresponsables".
Mais si SNCF Réseau (ex-RFF) a reconnu avoir "un agrément de sécurité" comme SNCF Infra, son représentant légal a précisé que "l'entretien des installations" figurait "parmi les missions" de SNCF Infra, semblant ainsi écarter cette responsabilité de son périmètre.
Plus précisément, "quand il y a des mesures à prendre, ces mesures sont prises par le mainteneur, la SNCF", a expliqué Robert Mathevet, le représentant légal de SNCF réseau.
Et, SNCF Réseau a-t-il la possibilité de vérifier si SNCF "fait ce qu'il faut pour la sécurité" ? a poursuivi l'avocat des parties civiles.
"Il y a des audits diffusés à SNCF" mais "nous n'avons pas de responsabilité opérationnelle", a insisté le représentant de SNCF Réseau.
"RFF est-elle une entreprise comme une autre ?", lui a, par ailleurs, demandé son avocat, Antonin Levy. "Non, elle est soumise au contrôle de l’Etat, dans ses décisions, elle obéit à son actionnaire unique et à sa tutelle", a répondu SNCF Réseau.
Alain Autruffe, le représentant de la Société nationale SNCF, devrait être interrogé mercredi, avant la présentation du troisième prévenu, un cadre cheminot, seule personne physique à comparaître.
Alain Autruffe a, toutefois, pris la parole plus tôt au cours de l'audience pour adresser ses pensées aux victimes, tout en contestant les fautes reprochées.
Il a dit partager leur "douleur, colère et rage", décrivant "un traumatisme qui restera dans nos mémoires". Il a aussi rappelé que la SNCF "ne partage pas les thèses des experts judiciaires", qui soutiennent notamment une défaillance de la maintenance.
Robert Mathevet (SNCF Réseau) a fait de même.
"Tout au long du procès, je vais contester les fautes qui sont reprochées" à SNCF Réseau, a-t-il expliqué, "mais je veux assurer" aux victimes et à leurs familles "que les sentiments sont sincères au moment où je leur adresse ces quelques mots". "On ne peut pas oublier que, ce jour-là, l'impensable s'est produit", a-t-il assuré.
(V.Castillon--LPdF)