Philippe Donnet, de rugbyman à la "force tranquille" de Generali
Aux commandes de Generali depuis 2016, Philippe Donnet a dû puiser dans son expérience de rugbyman pour se jeter dans la mêlée et briguer un troisième mandat, face à l'attaque lancée par deux milliardaires qui se sont ligués pour lui barrer la route.
"Si vous avez peur avant le match, vous avez perdu. Si vous sous-estimez l'équipe adverse, vous serez également battus. Il faut prendre les adversaires au sérieux, sans en avoir peur", prônait le PDG du premier assureur italien dans un entretien à la presse allemande en 2018.
Cette recommandation est d'autant plus d'actualité que la compagnie née à Trieste en 1831 affronte aujourd'hui la plus grosse bataille de son histoire, à la fois par ses répercussions internationales que sa véhémence.
Le verdict sur le sort du PDG tombera vendredi: réunis en assemblée générale, les actionnaires devront trancher entre la reconduction de M. Donnet et le candidat du camp dissident, Luciano Cirina, 56 ans, ancien responsable de la région Europe de l'est de Generali.
Le magnat de la construction Francesco Gaetano Caltagirone, 79 ans, qui détient 9,95% de son capital, et son allié Leonardo Del Vecchio, 86 ans, fondateur du fabricant de lunettes Luxottica (8%), reprochent à M. Donnet ni plus ni moins que de ne pas avoir su arrêter "le déclin" de Generali.
M. Donnet, un polytechnicien français âgé de 61 ans, fait en revanche valoir que depuis son arrivée en novembre 2016, le cours du titre a grimpé de 55%, bien au-dessus de la moyenne du secteur, et le rendement des actionnaires s'est accru de 106%.
- Son mantra, le calme -
Peu après son arrivée chez Generali en 2013, en tant que patron de la branche italienne, il avait comparé le groupe à une "force tranquille", en empruntant le slogan inventé par Jacques Séguéla pour la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1981.
Encore aujourd'hui, dans son bureau au 39e étage de la Tour Generali à Milan, qui offre une vue imprenable sur les Alpes, un écriteau annonce son mantra, en anglais: "Calm is a superpower" (Le calme est un super pouvoir).
"Je ne suis pas un émotif", a-t-il assuré dans un entretien au journal La Repubblica. Mais il n'est pas près d'oublier la "trahison" de Luciano Cirina: "quand on pense que le 8 mars Cirina était en Europe de l'Est pour présenter le plan" stratégique élaboré conjointement, "et le 15 mars il apparaît dans la liste de Caltagirone".
Ancien pilier du Paris université club (PUC), Philippe Donnet a appliqué, selon ses proches collaborateurs, les valeurs fondamentales du rugby comme le travail d'équipe et la discipline à son style de management.
- Souci de l'indépendance -
Il n'en est pas à son premier défi: peu après son ascension au poste de PDG, la presse italienne bruissait de rumeurs concernant une éventuelle offre publique d'achat (OPA) préparée en catimini par son ancien employeur, l'assureur français Axa.
Dans le rôle du chevalier blanc, décidée à croiser le fer au nom de "l'italianité", la banque Intesa Sanpaolo a approché Generali pour contrer des noces avec Axa, mais s'est heurtée au refus de M. Donnet. S'érigeant en garant de l'autonomie de l'assureur, il avait réussi son baptême du feu.
Il a dû prouver aussi son indépendance par rapport à un autre groupe français, Vivendi, qui avait poussé sa candidature et était à l'époque un actionnaire influent de la banque d'affaires Mediobanca, à son tour premier investisseur de Generali.
Philippe Donnet était arrivé chez Generali après une longue carrière internationale, dont 22 ans chez Axa: il a dirigé sa filiale italienne de 1999 à 2001 avant d'être envoyé au Japon en 2004 et promu patron de la région Asie-Pacifique en 2006.
Il avait été recruté en 1985 par celui qui allait devenir son mentor, le fondateur d'Axa, Claude Bébéar, avec lequel il partage sa passion pour le rugby. Et pas seulement.
Signe des liens qui sont restés intacts, Philippe Donnet et Claude Bébéar sont entrés en avril à titre personnel au capital de Joanne, distributeur bordelais de grands crus.
(F.Bonnet--LPdF)