Elon Musk prêt à réintégrer Donald Trump sur Twitter
Elon Musk, qui s'est érigé en farouche défenseur de la liberté d'expression, s'est dit prêt mardi à lever la suspension définitive du compte de Donald Trump mise en œuvre après l'attaque du Capitole, une décision "moralement mauvaise" à ses yeux.
"Je pense que c'était une erreur car cela a aliéné une grande partie du pays et n'a finalement pas empêché Donald Trump de se faire entendre" puisqu'il est maintenant sur son propre réseau social, a souligné l'entrepreneur lors d'une conférence organisée par le Financial Times.
Les interdictions définitives devraient être "extrêmement rares" et réservées par exemple aux faux comptes, a-il ajouté lors de son intervention par vidéo.
Aussi, s'il parvient effectivement bien à racheter Twitter pour 44 milliards de dollars, "je lèverais la suspension définitive" de l'ancien président, a affirmé M. Musk.
L'opération n'est pas encore finalisée. Si l'offre du patron de Tesla a été acceptée par le conseil d'administration, les actionnaires doivent encore approuver l'accord et "plusieurs questions doivent encore être résolues", a rappelé M. Musk. "Dans le meilleur des cas, ce sera peut-être fait dans deux ou trois mois."
Mais le multimilliardaire, qui souhaite retirer Twitter de la Bourse, a d'ores et déjà proclamé vouloir en faire un bastion de la liberté d'expression, qu'il juge bafouée par une modération des contenus trop stricte.
Mardi il a clairement exprimé sa préférence pour des suspensions temporaires ou la suppression des tweets les plus problématiques plutôt que pour des interdictions pures et simples.
L'ancien président américain a été banni de Twitter le 8 janvier 2021 en raison du risque d'incitation à la violence après l'attaque violente du Capitole.
Avec 88 millions d'abonnés, la plateforme était jusqu'alors son principal outil de communication au quotidien.
Le fondateur et ex-patron de Twitter, Jack Dorsey, avait estimé à l'époque que la mise à l'écart de Donald Trump était "la bonne" décision, mais constituait néanmoins un "échec" et "(établissait) un précédent" qui lui semblait "dangereux" par rapport au pouvoir détenu par les grandes entreprises.
- "Course vers les bas-fonds" -
M. Trump a lui-même exclu de revenir sur le réseau social, affirmant vouloir rester sur la plateforme Truth Social qu'il a lancée en février. Celle-ci peine toutefois encore à prendre de l'ampleur le compte de l'ex-locataire de la Maison Blanche n'y compte que 2,7 millions d'abonnés.
Lever le bannissement de l'ancien président "ne veut pas dire que n'importe qui peut dire ce qu'il veut, s'ils disent quelque chose d'illégal ou de destructeur pour le monde", a souligné M. Musk.
"Mais je pense que les bannissements permanents sapent fondamentalement la confiance dans Twitter en tant que place publique où tout le monde peut exprimer son opinion", a-t-il relevé.
Il a aussi estimé que Twitter était "politiquement biaisé à gauche", car basé à San Francisco, et devait être "plus impartial".
Lundi, après un entretien avec le commissaire européen Thierry Breton au Texas, l'homme d'affaires avait assuré qu'il était entièrement d'accord avec les nouvelles règles européennes sur la régulation des réseaux sociaux, qui va contraindre les grandes plateformes à mieux lutter contre les contenus illégaux.
Pour la directrice de l'organisation de défense de la liberté d'expression PEN Américain, Suzanne Nossel, Elon Musk doit clarifier son message.
"Est-il en train de dire que rien de ce que Trump, ni personne d'autre, pourrait tweeter, ne constituerait un motif de renvoi permanent? Juge-t-il que Trump ne s'est pas livré à de l'incitation à la violence, ou dit-il qu'un président en exercice incitant ses partisans à la violence ou à l'insurrection est une pratique acceptable sur Twitter?" s'est-elle interrogée.
Angelo Carusone, directeur de l'ONG Media Matters for America, s'inquiète pour sa part des répercussions d'une telle décision.
Après Donald Trump, d'autres personnalités seront autorisées à revenir sur Twitter, y compris d'extrême-droite. Et cela va créer une "pression perverse" sur les autres réseaux sociaux comme Facebook, "déclenchant de fait une course vers les bas-fonds", craint-il.
(L.Garnier--LPdF)