Choc, incompréhension et colère après une tuerie raciste dans l'Etat de New York
Sous le choc, les habitants de la ville de Buffalo dans l'Etat de New York ont rendu hommage dimanche aux dix personnes tuées la veille dans un supermarché, dont une majorité d'Afro-Américains, par un homme blanc dans une fusillade décrite par les autorités comme "un crime raciste motivé par la haine".
"Certains d'entre nous sont très en colère" a lancé le pasteur T. Anthony Bronner, lors d'une veillée devant le parking du supermarché Tops où un jeune, équipé d'une arme d'assaut et d'un gilet pare-balle, a fait feu samedi après-midi faisant dix morts et trois blessés.
Onze des victimes étaient des personnes noires et deux étaient blanches, dans ce quartier majoritairement afro-américain de Buffalo, une ville septentrionale au bord du lac Erié, à la frontière avec le Canada.
Une large foule était réunie dimanche sur le lieu du drame, priant, déposant des gerbes de fleurs et scandant le mot "unité" tandis qu'une autre veillée avait lieu dans une église où le maire de Buffalo, Byron Brown, s'est dit "dévasté" face à cette "attaque raciste et violente".
Le tireur identifié comme Payton Gendron, 18 ans, a conduit plus de 300 km depuis son lieu de résidence à Conklin dans le sud de l'Etat pour perpétuer ce massacre, effectuant même "une opération de reconnaissance" la veille des faits, selon les autorités.
"Comment un garçon de 18 ans peut se procurer une arme?", s'est exclamé auprès de l'AFP Derryl Long, né à Buffalo et habitant dans la ville voisine de Chautauqua.
"Je n'arrive pas à comprendre ce qui a bien pu se passer dans la tête de cet homme, pour conduire trois heures jusqu'ici, jusqu'à ce (supermarché) Tops parce qu'il savait que c'était un quartier noir", a poursuivi, M. Long, 67 ans.
- "Tache sur l'âme de l'Amérique" -
"Cet individu est venu avec l'objectif de tuer le plus de personnes noires possible", a résumé Byron Brown lors d'une conférence de presse.
"Les preuves que nous avons réunies jusqu'à présent ne laissent aucun doute sur le fait que c'est un crime raciste motivé par la haine et qu'il sera jugé comme tel", a précisé le chef de la police de Buffalo, Joseph Gramaglia.
Le "crime motivé par la haine" désigne aux Etats-Unis un acte dirigé contre une personne visée en raison d'éléments de son identité comme la race, la religion, la nationalité, l'orientation sexuelle ou un handicap. Considéré comme une infraction fédérale aux circonstances aggravantes, il entraîne des condamnations plus dures.
"Nous devons travailler ensemble pour combattre la haine qui demeure une tache sur l'âme de l'Amérique", a martelé dimanche Joe Biden à Washington.
Payton Gendron avait pointé son arme contre lui, au niveau de son cou, avant de finalement se rendre aux forces de l'ordre. Poursuivi pour "meurtre avec préméditation", il a plaidé non-coupable lors d'une première comparution devant un juge.
Le jeune homme portait une caméra et a diffusé son crime en direct sur Twitch même si la plateforme a assuré avoir supprimé le contenu "deux minutes" après le début de sa diffusion.
Il a aussi publié un "manifeste" de 180 pages à caractère raciste avant les faits, selon les médias américains.
Selon le New York Times, citant ce "manifeste", le suspect a été "inspiré" par des crimes commis par des suprémacistes blancs, notamment le massacre en 2019 de 51 fidèles dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande.
Le journal Buffalo News a par ailleurs révélé qu'un mot injurieux, raciste et tabou aux Etats-Unis pour désigner les personnes noires avait été peint en blanc sur le canon de l'arme.
- "Terrorisme intérieur" -
"C'était du terrorisme intérieur, purement et simplement", a déclaré de son côté la procureure générale de New York, Letitia James, qui s'est rendue à Buffalo pour assister à la veillée.
Dénonçant un acte "raciste" et une "exécution de style militaire", la gouverneure de l'Etat de New York, Katy Hochul, a exprimé sa colère et souligné la responsabilité des réseaux sociaux.
"Les réseaux sociaux permettent à cette haine de fermenter et de se répandre comme un virus", a dénoncé de son côté la gouverneure de l'Etat de New York, Katy Hochul.
Cette tuerie raciste en rappelle deux autres: celle d’El Paso au Texas en 2019 où 23 personnes avaient été tuées par un militant d’extrême droite, dont huit Mexicains et des personnes "hispaniques", et celle de Charleston en Caroline du Sud où un suprémaciste blanc avait tué neuf fidèles afro-américains dans une église en 2015.
Dans ces deux cas, des manifestes haineux avaient été mis en ligne avant les attaques.
Les fusillades dans les lieux publics sont quasiment quotidiens aux Etats-Unis et la criminalité par armes à feu est en augmentation dans les grandes villes comme New York, Chicago, Miami ou San Francisco, notamment depuis la pandémie de 2020.
Plusieurs initiatives d'élus pour renforcer la législation sur les armes ont échoué au Congrès ces dernières années, le puissant lobby des armes NRA restant très influent.
(M.LaRue--LPdF)