UE: les premières auditions sans encombre des commissaires européens
Les commissaires européens de la nouvelle équipe d'Ursula von der Leyen ont démarré avec succès, lundi à Bruxelles, leurs auditions couperet devant le Parlement européen, avant un vote final attendu le 27 novembre.
Quatre premiers prétendants ont été adoubés par les eurodéputés durant cette journée: le Slovaque Maros Sefcovic (Commerce), le Maltais Glenn Micallef (Jeunesse, Culture et Sport), le Luxembourgeois Christophe Hansen (Agriculture) et le Grec Apostolos Tzitzikostas (Transports).
A l'aise dans l'exercice, ils ont évité les questions qui fâchent. Maros Sefcovic s'est par exemple bien gardé de donner un calendrier pour la signature de l'accord de libre échange controversé entre l'Union européenne et les pays du Mercosur - Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Bolivie - que conteste la France et qui suscite la colère des agriculteurs en Europe.
Des négociations "techniques" sont en cours. "J'espère que cet accord pourra être conclu sur des bases très équitables", a temporisé le Slovaque de 58 ans, habitué à cet exercice du grand oral puisqu'il est commissaire européen depuis 2009.
L'audition de M. Hansen a quant à elle été marquée par un moment d'émotion. Après une question sur la souffrance des agriculteurs, il a raconté aux eurodéputés la mort de son frère paysan, tombé dans les escaliers l'année dernière à 55 ans.
"Je suis sûr que c'était lié à de nombreux facteurs qui touchent les agriculteurs", comme les "difficultés financières" et la fatigue, a-t-il témoigné, affecté.
Chargé des Transports, le Grec Apostolos Tzitzikostas a de son côté promis de mettre sur la table dès 2025 une proposition de système unique de réservation de train à l'échelle de l'UE.
Le 12 novembre sera la journée la plus attendue avec les auditions des six vice-présidents potentiels, dont le Français Stéphane Séjourné et l'Italien Raffaele Fitto. Ce dernier est au coeur d'une controverse en raison de son appartenance au parti d'extrême droite Fratelli d'Italia.
Après chaque grand oral de trois heures, les parlementaires adoubent ou récusent les commissaires putatifs, dans l'un des rares moments où les eurodéputés peuvent affirmer leur autorité face à une Commission dont l'omnipotence les agace régulièrement.
En 2019, trois candidats avaient été rejetés dont la centriste française Sylvie Goulard, un camouflet pour le président Emmanuel Macron.
- "Peur les uns des autres" -
Un vote final et global sur la nouvelle équipe est ensuite prévu mercredi 27 novembre lors d'une session plénière du Parlement à Strasbourg. Et l'exécutif européen devrait prendre ses fonctions début décembre, jusqu'en 2029.
L'exercice du grand oral est un subtil équilibre des pouvoirs entre institutions européennes, Etats membres et forces politiques représentées au Parlement. Si la droite, première force parlementaire, parvient à faire trébucher un candidat social-démocrate, la gauche voudra lui rendre la monnaie de sa pièce...
Mais l'eurodéputé néerlandais Bas Eickhout, coprésident du groupe vert, entrevoit déjà la possibilité que "tout le monde ait tellement peur les uns des autres qu'à la fin nous conservions" les commissaires proposés, ce qui éviterait un grand chamboule-tout.
Les rumeurs vont bon train sur les commissaires - un par Etat membre - susceptibles d'être secoués pendant les auditions.
Nombre d'eurodéputés pensent au grand oral mercredi soir du Hongrois Olivér Várhelyi, qui avait taxé des parlementaires d'idiots en oubliant de fermer son micro durant le précédent mandat, et dont la proximité avec Viktor Orban fait grincer des dents.
Mais Olivér Várhelyi a hérité d'un portefeuille plutôt modeste sur la santé et le bien-être animal, et le récuser laisserait les mains libres au nationaliste Orban pour réclamer mieux ou laisser traîner les choses, met en garde une source diplomatique.
L'Italien Raffaele Fitto, choisi pour une vice-présidence de la Commission sur la "cohésion" des territoires, a de son côté pris les devants pour tenter de calmer la polémique sur son appartenance au parti d'extrême droite de la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni.
Avant Fratelli d'Italia, "j'ai commencé ma carrière politique" dans un parti à la "vocation européenne : la Démocratie chrétienne", souligne-t-il dans des réponses écrites envoyées aux eurodéputés en vue de son audition du 12 novembre.
La droite et l'extrême droite ont pour leur part dans le viseur la socialiste espagnole Teresa Ribera (Transition écologique) et le Danois Dan Jorgensen (Energie), à qui ils reprochent, entre autres, leurs prises de positions contre l'énergie nucléaire.
(Y.Rousseau--LPdF)