La Fonderie de Bretagne et ses 350 emplois menacés, Renault accusé de "cynisme"
"Patron voyou", "cynisme froid", "décision inique": le groupe Renault a été accusé, vendredi, d'avoir fait capoter un projet de reprise de la Fonderie de Bretagne, menaçant 350 emplois à Caudan (Morbihan). Des attaques contestées par le groupe automobile.
La Fonderie de Bretagne (FDB) est "froidement exécutée par Renault Group à la veille de Noël", a annoncé la société morbihannaise dans un communiqué.
Selon FDB, le groupe automobile a refusé de valider les termes d'un projet de reprise par le fonds Private Assets.
"Cette décision inique condamne la faisabilité du projet de reprise de Fonderie de Bretagne et va provoquer à très court terme la fermeture de l'entreprise", a tancé la direction générale de FDB faisant part de "son profond dégoût et sa colère face au cynisme froid de Renault".
"Renault se comporte comme un patron voyou en laissant fermer des entreprises industrielles très solides", a abondé à l'AFP la numéro 1 de la CGT Sophie Binet.
Ancienne filiale de Renault, FDB avait été vendue en 2022 au fonds d'investissement allemand Callista Private Equity, au terme, déjà, d'une longue lutte sociale. Mais le groupe automobile est resté le principal client de la Fonderie, représentant 95% de son chiffre d'affaires en 2024.
En grave déficit, FDB, dont les salariés produisent des pièces en fonte pour les suspensions comme pour les échappements, a entamé en juillet des négociations avec le fonds d'investissement allemand Private Assets pour sa reprise.
Ce fonds, propriétaire d'un groupe de fonderies en Allemagne et en Espagne, Procast Guss, s'était engagé à apporter 11.000 tonnes de production au plan de charge, selon la direction de FDB.
Mais, après une ultime réunion de négociation lundi, "il manquait de la visibilité sur les volumes commandés par Renault à FDB pour les années 2025, 2026 et 2027 pour finaliser un accord", a indiqué la Fonderie de Bretagne dans son communiqué.
Renault "a surpris toutes les parties en remettant en question ses propres quantités d'achat après plusieurs mois de négociations", a renchéri Private Assets dans un communiqué.
- Pas de visibilité -
"Cette visibilité est nécessaire pour permettre tout projet de reprise industriel", a indiqué le cabinet du ministre de l'Industrie. "Renault doit désormais faire face à ses responsabilités et assumer les conséquences des décisions qui seront prises", a ajouté l'entourage du ministre démissionnaire Marc Ferracci.
"Les engagements de Renault Group étaient connus de tous les acteurs depuis des semaines", a rétorqué Renault auprès de l'AFP, imputant l'échec du projet de reprise "au désengagement soudain de Private Assets, alors que tous les acteurs avaient fait un effort".
Le groupe au losange explique ainsi avoir "confirmé son engagement à hauteur de 35 millions, soit 65% du financement" et avoir "toujours soutenu la Fonderie de Bretagne via des commandes et la couverture de pertes".
Une version balayée par Maël Le Goff, délégué syndical CGT à la FDB. "Renault a décidé de délocaliser sa production en 2021. Ils ne veulent pas s'engager sur des volumes car ils se sont déjà engagés avec des fonderies à l'étranger", a-t-il analysé.
"Après des années de lutte, c'est compliqué à absorber", a ajouté le syndicaliste, décrivant des salariés partagés entre "la haine, les pleurs, le dégoût, le silence et la révolte".
"A l’heure ou la filière automobile française doit jouer la solidarité et la coopération pour sa survie nous condamnons la position de Renault qui abandonne son sous-traitant", a critiqué la CFE-CGC.
Le président DVG de la région Bretagne Loïg Chesnais-Girard a dénoncé l'"irresponsabilité" et le "cynisme" du groupe automobile qui "abandonne les salariés de la Fonderie de Bretagne après quatre ans d’engagements, d’efforts et de lutte de leur part".
"Par cette décision, le groupe aux résultats records net de 2,3 milliards d’euros en 2024 condamne 300 emplois industriels bretons, 300 familles, à quelques jours de Noël", a aussi attaqué Damien Girard, député écologiste de Lorient.
Héritière des Forges d'Hennebont, créées en 1860, la Fonderie de Bretagne est implantée à Caudan depuis 1965. Elle produit des pièces de châssis, de moteur et de boîtes de vitesses.
(P.Toussaint--LPdF)