Les nations du Pacifique rejettent un projet d'accord avec la Chine sur la sécurité régionale
Dix nations insulaires du Pacifique ont rejeté lundi un vaste accord proposé par la Chine sur la sécurité régionale et le développement économique, craignant qu'il ne les fasse tomber dans le giron de Pékin.
L'échec des pourparlers entre le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi et les représentants de 10 nations du Pacifique, qui se déroulaient aux îles Fidji, constitue un important revers diplomatique pour la Chine.
Le projet de Pékin avait suscité de vives mises en garde, notamment de l'Australie et des Etats-Unis, sur le risque pour cette région stratégique de tomber dans l'escarcelle chinoise.
L'accord proposait aux pays du Pacifique une aide chinoise concernant l'entraînement de leurs forces de l'ordre, la cybersécurité, mais aussi la cartographie fine des fonds marins et une meilleure exploitation des ressources naturelles maritimes et terrestres.
Pékin leur a fait miroiter des millions de dollars d'aide financière, la perspective d'un accord de libre-échange entre les îles du Pacifique et la Chine et l'accès au vaste marché chinois.
Dans une lettre adressée récemment à d'autres dirigeants de la région, le président des États fédérés de Micronésie, David Panuelo, avait qualifié de "fallacieuse" cette proposition d'accord, destinée à "assurer l'influence chinoise sur le gouvernement" et le "contrôle économique" des secteurs clés.
A l'issue de la réunion, les dirigeants ont fait des déclarations plus modérées, déclarant ne pas accepter la "vision commune de développement" proposée par Pékin en raison de l'absence de consensus régional.
- Les discussions continuent -
"Comme toujours, nous avons privilégié le consensus", a déclaré le co-organisateur de ce sommet, le Premier ministre fidjien Frank Bainimarama, à l'issue de la réunion.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Samoa et les États fédérés de Micronésie figurent parmi les pays qui s'inquiètent de ces propositions, de même que les Palaos, qui reconnaissent diplomatiquement Taïwan et n'étaient pas invités à cette rencontre.
"Nous préférons traiter de nos propres questions de sécurité avec la Chine", a déclaré à l'AFP le ministre des Affaires étrangères de Papouasie-Nouvelle-Guinée, Soroi Eoe, affirmant s'inquiéter d'un pacte régional.
Les responsables chinois, qui ont tenté d'assurer un soutien à l'accord durant une offensive diplomatique de 10 jours du ministre Wang Yi dans la région, ont reconnu leur échec.
"Il y a eu un soutien général de la part des 10 pays", a déclaré l'ambassadeur chinois aux Fidji, Qian Bo, depuis Suva. "Mais bien sûr, il y a quelques inquiétudes sur certaines questions spécifiques et nous avons convenu que ces (...) documents seront discutés par la suite jusqu'à ce que nous soyons parvenus à un accord".
A l'issue de la réunion, qui s'est tenue à huis clos, le ministre chinois, appelant à ne pas s'inquiéter des desseins de Pékin, a affirmé que les pays concernés "continueront à avoir des discussions et des consultations continues et approfondies afin de dégager un consensus plus large sur la coopération".
"La Chine publiera sa propre position", qui évoquera "nos propres positions et celles des pays insulaires du Pacifique", selon lui.
Sauvant la face, M. Wang a aussi annoncé que les 10 nations insulaires avaient conclu des protocoles d'accord avec la Chine dans le cadre du projet d'infrastructures chinois des "Nouvelles routes de la soie".
- Montée des eaux -
De nombreux pays occidentaux sont agacés par cette offensive de Pékin, le département d'État américain mettant en garde les nations du Pacifique contre ces "accords opaques et vagues "avec la Chine.
L'Australie s'est jointe aux États-Unis pour demander instamment à la Chine de cesser d'étendre son influence sécuritaire dans la région.
Les nations du Pacifique restent soucieuses de maintenir de bonnes relations avec la Chine, de trouver un juste équilibre entre Pékin et Washington ou de s'en servir pour jouer l'un contre l'autre.
Alors qu'il se tenait aux côtés du ministre chinois, le Premier ministre fidjien s'en est pris à ceux qui se livrent à une "course pour marquer des points géopolitiques".
"Cela ne signifie rien pour quiconque qui est menacé par la montée des eaux, qui a perdu son emploi en raison de la pandémie ou dont la famille est touchée par la hausse des prix des produits de première nécessité", a-t-il lancé.
La plupart des îles du Pacifique ne s'élèvent guère au-dessus du niveau de la mer, ce qui les rend particulièrement vulnérables à la montée des eaux causée par le changement climatique.
(A.Monet--LPdF)