Vente ou redressement judiciaire? L'avenir de La Provence sera tranché le 22 juin
La Provence sera-t-elle finalement vendue à l'armateur CMA CGM? C'était l'enjeu d'une audience mardi au tribunal de commerce de Bobigny qui, s'il décide le 22 juin de bloquer cette cession, entraînera le placement en redressement judiciaire du groupe de presse, prévient son PDG.
Malgré la validation, lors d'un conseil d'administration début mai, de l'offre de reprise déposée par CMA CGM, poids lourd du transport maritime mondial basé à Marseille, l'avenir d'un des groupes de presse phare du Sud de la France publiant La Provence et Corse Matin, et de ses 850 salariés, paraît toujours incertain.
Le 22 juin, le juge-commissaire décidera s'il autorise ou non la cession de La Provence à l'armateur, à l'origine de la seule offre de reprise retenue, car mieux-disante, des 89% de La Provence détenus par le Groupe Bernard Tapie (GBT), en liquidation judiciaire depuis 2020.
Mardi, une audience à huis clos réunissant les liquidateurs des actifs de Bernard Tapie et ses créanciers a duré plus d'une heure trente à Bobigny, a constaté une journaliste de l'AFP.
"La procureure a mis en avant le fait qu'il fallait prendre une décision dans l'intérêt de l'entreprise", selon une source proche du dossier.
Mais les recours déposés par la concurrente de CMA CGM, NJJ, holding du fondateur de Free Telecom Xavier Niel, qui détient 11% de La Provence et dont l'offre de reprise a été écartée par les liquidateurs, pourraient prolonger une saga qui dure depuis des mois.
Le projet de CMA CGM a été agréé par le conseil d'administration de La Provence, en dépit des votes contre de NJJ qui, en sa qualité d'actionnaire minoritaire, pouvait s'opposer à l'entrée au capital de l'armateur. Mais les votes de NJJ ont été invalidés par le président du conseil d'administration et PDG de La Provence, Jean-Christophe Serfati, qui a considéré que la holding manifestait un évident conflit d'intérêts.
Dénonçant un "passage en force", NJJ a lancé une procédure en référé pour demander la suspension de la décision du conseil d'administration, recours qui doit être jugé jeudi. L'examen sur le fond pour demander la nullité de cette décision aura lieu le 29 juin.
Au regard de la situation financière critique du groupe, le PDG de La Provence Jean-Christophe Serfati, et Frédéric Avazeri, mandataire judiciaire chargé de superviser la cession de l'entreprise, jugent la vente du groupe plus urgente que jamais, comme ils l'ont exposé aux salariés lors d'un comité social et économique extraordinaire jeudi.
– "Pire des solutions" –
"Si la vente n'est pas actée, les procédures vont nous amener jusqu'en fin d'année, voire début d'année prochaine et je n'aurai pas la trésorerie nécessaire pour tenir", a déclaré M. Serfati à l'AFP, confirmant qu'il serait alors obligé de solliciter le placement du groupe en procédure de sauvegarde, puis en redressement judiciaire, "la pire des solutions".
Les élus et représentants syndicaux majoritaires parmi les salariés appellent à ce que cette cession à CMA CGM se fasse, jugeant que "seuls les investissements et la mise en œuvre du projet de relance" peuvent permettre d'éviter la procédure de sauvegarde s'ils interviennent rapidement.
"On ne veut pas que la vente soit bloquée parce que ce serait la mort du journal", a expliqué à l'AFP Sophie Manelli, élue du Syndicat national des journalistes (SNJ) de La Provence, qui fait partie de l'intersyndicale La Provence-Corse Matin.
De son côté, CMA CGM a indiqué dans un communiqué être "prêt à mettre en place son projet de redressement dès la cession des titres prononcée".
D'autres syndicats minoritaires, qui demandent depuis des mois à ce que les deux offres de reprise leur soient soumises, jugent toutefois que le tableau financier de La Provence a été sciemment noirci "afin de précipiter la vente".
Nous "nous interrogeons sur l'intérêt d'une vente rapide, qui pourrait être remise en cause dans quelques mois" étant donné les recours déposés par NJJ, écrivent dans un communiqué commun la CFDT, la CFE-CGC, Filpac CGT et FO Livre, précisant que NJJ, également propriétaire de Nice-Matin, s'est engagé à soutenir financièrement le groupe si nécessaire.
(V.Blanchet--LPdF)