L'Assemblée rejette une "prime alimentaire", premier revers du jour pour les écologistes
Les députés écologistes ont essuyé un premier revers jeudi avec le rejet d'une "prime alimentaire" et d'une interdiction des nitrites dans la charcuterie, lors de leur journée réservée à l'Assemblée, qui devrait voir la plupart de leurs propositions retoquées.
De l'interdiction des vols en jets privés ou de la chasse le dimanche, en passant par l'ouverture de l'accès au RSA dès 18 ans, les écolos se font peu d'illusion sur les chances de succès de la plupart des textes au menu de leur "niche parlementaire".
Ils ont pourtant un temps cru limiter la casse autour de leur première proposition de loi, intitulée "Mieux manger", malgré le rejet d'emblée de sa mesure phare, une "prime alimentaire" mensuelle de 50 euros par personne pour les plus précaires.
Le gouvernement avait obtenu que la balle lui soit renvoyée pour soutenir des expérimentations locales de "chèques" alimentaires, une promesse présidentielle qui tarde à se concrétiser. Mais des amendements de la gauche, adoptés contre l'avis de l'exécutif, ont intégré dans le texte des mesures de blocage des prix pour faire face à l'inflation.
L'un d'eux, déposé par les communistes, créait un "panier inflation" pour les produits agricoles et alimentaires avec des prix "fixés". L'autre, venant du groupe LFI, élargissait à l'ensemble du territoire un "bouclier qualité-prix" en vigueur dans les Outre-mer pour les produits alimentaires et d'hygiène "indispensables".
Les écologistes avaient salué une "victoire", avant de déchanter, après le rejet final du texte dans sa globalité, par 138 voix contre 121. Le camp présidentiel a en effet battu le rappel de ses troupes pour s'opposer à ces mesures, dont le député Renaissance Guillaume Kasbarian a fustigé "l'inspiration marxiste".
- "Les nitrites tuent" -
La proposition de loi, portée par la députée Francesca Pasquini, contenait aussi une interdiction à partir de 2024 des additifs nitrés dans toutes les charcuteries, ou au moins dans le jambon cuit, "particulièrement prisé des enfants".
"Les nitrites tuent les Français, et ça tue les plus pauvres", a lancé dans l'hémicycle le député MoDem Richard Ramos, qui a soutenu la mesure finalement rejetée, dénonçant les lobbies de l'industrie alimentaire freinant des quatre fers.
Après un avis de l'agence sanitaire Anses confirmant le lien entre exposition aux nitrites et risque de cancers, le gouvernement a demandé fin mars aux industriels de baisser les doses dans les charcuteries.
Mais des associations demandent d'aller plus loin. "Plus de 4.000 cas de cancers de l'estomac et du côlon pourraient être évités en France. Il n'y a aucune dose acceptable dans notre alimentation", estiment ainsi la Ligue contre le Cancer et l'association Foodwatch.
La principale chance de succès législatif pour les écologistes jeudi se trouve dans le deuxième texte au menu, portée par la députée Sandrine Rousseau, que l'Assemblée a commencé à examiner en milieu d'après-midi.
Il vise à faciliter l'indemnisation des victimes du "retrait-gonflement des argiles" dans les sols, un phénomène accentué par le réchauffement climatique et qui endommage les habitations.
- Ecologie "protectrice" -
Il "changerait radicalement le rapport de force entre assureurs et assurés", qui se sentent aujourd'hui démunis et "noyés dans des procédures", a plaidé Sandrine Rousseau, porteuse de ce texte qui doit montrer "que l'écologie n'est pas que punitive, mais aussi protectrice".
La cheffe de file des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, a déploré l'opposition du camp présidentiel, et en particulier des députés Renaissance, aux propositions de son groupe. "Il n'y aucune nouvelle méthode du gouvernement, il continue à rejeter absolument tout ce qui ne vient pas de lui", s'est-elle agacée.
"Sur les nitrites, c'est incompréhensible, on est sur des substances cancérogènes", a dénoncé Mme Chatelain.
A l'heure où l'exécutif prône une "nouvelle méthode de dialogue", c'est "une démonstration de sectarisme", a tonné son groupe, qui s'est résigné à retirer plusieurs textes initialement au menu, comme celui sur une interdiction des publicités numériques et lumineuses dans l'espace public.
(E.Beaufort--LPdF)