Logement: Borne détaille un plan sans surprise, déception voire colère des professionnels
"Il n'y a pas de mesure magique": la Première ministre Elisabeth Borne a détaillé lundi le plan de l'exécutif pour tenter d'enrayer la crise du logement, sans répondre aux attentes des acteurs du secteur, qui se disent "déçus" voire "en colère".
Prolongation mais forte restriction du prêt à taux zéro (PTZ), fin du dispositif Pinel d'investissement locatif, aides à la location et soutien à la constuction via le rachat de logements aux promoteurs par Action logement et la Caisse des dépôts...
La cheffe du gouvernement a égrené les arbitrages de l'exécutif devant les groupes de travail du Conseil national de la refondation (CNR) réunis à la Maison de l'architecture à Paris.
Mais, a-t-elle prévenu, "il n'y a pas de mesure magique, seule et unique, qui permettrait de débloquer la situation".
Elisabeth Borne propose aussi de "travailler au recours au droit de préemption par les collectivités" pour enrayer la spéculation foncière.
Elle demande également aux ministres "d'étudier" la remise à plat de la fiscalité des locations, notamment des meublés touristiques accusés d'aggraver la crise du logement partout en France. Un chantier qui doit déboucher "dans le prochain projet de loi de finances".
Ces mesures, issues du volet "logement" du CNR, étaient censées marquer "une nouvelle méthode de concertation" voulue par Emmanuel Macron pour recréer un lien "entre les concitoyens et la décision politique". Au total, quelque 200 personnes ont planché pendant six mois sur le sujet.
"Ce CNR logement n'est surtout pas un aboutissement", avait déclaré un peu plus tôt le ministre délégué au Logement, Olivier Klein, devant un public circonspect.
"Il n'y a rien qui change la donne dans ce plan, qui est minimaliste, imprécis. Il n'y a pas ce coup de pied qui nous permette de remonter vers le haut de la piscine", a souligné Véronique Bédague, PDG de Nexity, premier promoteur immobilier et co-animatrice du CNR.
"Je crois qu'on a été unanimes sur nos constats et je crains qu'on ne soit aussi unanimes dans la déception face aux conclusions", a abondé Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat, qui représente les bailleurs sociaux.
- "Désengagement de l'Etat" -
Olivier Klein avait concédé dans la matinée qu'il y avait "un risque de bombe sociale" lié à la violente crise du secteur, alors que la construction neuve est en chute libre, la location grippée et que le mal-logement touche près de 4,1 millions de personnes.
En outre, le nombre de ménages demandeurs d'un logement social (2,42 millions) n'a jamais été aussi élevé et celui des personnes sans domicile a grimpé (à 330.000).
Le plan gouvernemental affichait cinq objectifs: favoriser l'accession à la propriété et à la location, soutenir la production et la rénovation de logements sociaux, relancer la construction et amplifier la rénovation énergétique du parc privé.
Pour autant, les dispositions dévoilées ne comprennent aucune mesure choc comme l'encadrement des prix du foncier, l'une des propositions fortes issues du CNR.
Avant même la prise de parole d'Elisabeth Borne, le monde du logement n'avait pas caché sa déception.
Les annonces "suscitent la colère des professionnels. Deux cents personnes impliquées et sept mois de travail réduits à néant ? Il n'y a plus de politique du logement", ont asséné sept organisations patronales, dont la Fédération de l'immobilier (Fnaim), la Fédération française du bâtiment (FFB) et le Pôle Habitat, dans un communiqué intitulé "tout un secteur méprisé".
"En l'état, ce plan n'est pas de nature à répondre aux immenses inquiétudes, aux défis qui sont devant nous", avait réagi le directeur général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, également co-animateur du CNR.
Pour Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), "il n'y a pas d'incitation pour les maires bâtisseurs, il n'y a pas de statut du bailleur privé, on programme l'arrêt du Pinel alors qu'on en a besoin".
"Les annonces du CNR logement cachent en réalité la poursuite du désengagement de l'État amorcé en 2017", ont accusé pour leur part les députés LFI.
(N.Lambert--LPdF)