Manifestation contre le Lyon-Turin: les manifestants se replient, l'autoroute A43 brièvement occupée
Les opposants à la ligne ferroviaire Lyon Turin, campés toute l'après-midi sur une route de Maurienne, se sont repliés sur leur camp de base au terme de leur manifestation samedi, marquée par une brève occupation de l'autoroute A43 et des échauffourées au niveau de Saint-Rémy-de-Maurienne.
Alors que le cortège commençait à refluer, quelques dizaines de militants, bloqués sur une route départementale sous un soleil de plomb faute d'avoir réussi à négocier un parcours avec les autorités, ont traversé à pied la rivière Arc pour rejoindre l'autoroute de l'autre côté, se tenant par la main pour résister au fort courant.
Après cet incident, les opposants ont graduellement fait demi-tour pour retourner vers le camp de base sur la commune voisine de La Chapelle, hors du périmètre interdit par la préfecture, laissant derrière eux des barricades improvisées en flammes.
Des protestataires avaient aussi brièvement envahi la voie ferrée à proximité, alors que la circulation des trains a été stoppée en début d'après-midi en raison de la situation, selon la SNCF.
Le cortège s'était ébranlé dans le calme en milieu de journée à l'appel d'une dizaine d'organisations, dont les Soulèvements de la Terre, menacés de dissolution par le ministère de l'Intérieur, et les No-Tav italiens, mobilisés contre un chantier "pharaonique" jugé "néfaste" pour l'environnement, la biodiversité et les ressources en eau de la vallée.
Le départ de cette manifestation non déclarée réunissant plus de 4.000 personnes, selon le dernier bilan des organisateurs, plus de 3.000 dont "300 éléments radicaux" selon les autorités, s'est fait depuis un terrain prêté par la commune de La Chapelle, où les militants ont installé leur camp de base.
Quelques 2000 policiers et gendarmes ont été déployés dans cette vallée frontalière du Val de Suse en Italie.
"Macron, Darmanin et le préfet provoquent l'affrontement", a tweeté la cheffe parlementaire LFI Mathilde Panot, présente sur place avec plusieurs élus Verts et LFI.
- Esprit non-violent" -
"Il n’y avait pas de raisons de ne pas autoriser cette manifestation dès lors qu'elle est dans un esprit non violent et nous on prônera toujours des logiques de non violence", a pour sa part déclaré à l'AFP la sénatrice EELV Fabienne Grebert.
Avec un groupe d'élus, la sénatrice a essayé de négocier avec les autorités pour "aller un peu plus loin", alors que les manifestants patientaient sous un soleil torride sur une petite route à proximité de Saint-Rémy-de-Maurienne, à une trentaine de km de la frontière italienne.
Au moins une trentaine "d'étrangers sous interdiction administrative du territoire ont été interpellés et remis aux Italiens" , selon la préfecture de Savoie.
Cinq bus de militants italiens, soit environ 280 personnes, sont aussi restés bloqués à la frontière pendant plusieurs heures avant de faire demi-tour vers Turin, selon les informations obtenues sur place.
"C’est quand même assez scandaleux, drôle que l’Etat et le gouvernement décident de s’attaquer à un mouvement, à des militants écologistes, à des paysans, à des syndicats alors qu’aujourd’hui il faudrait vraiment s’attaquer à toutes les industries, à tous ceux qui détruisent le vivant", a souligné Pina, la porte-parole des Soulèvements de la terre, lors de la conférence de presse dans la matinée.
- "Moment historique" -
"Aujourd’hui, c’est un moment historique dans cette vallée (…) il y a énormément de monde venu de toute la France, de l’Italie voire même de Suisse", s'est réjoui Philippe Delhomme, ancien élu local qui milite depuis des années au sein de l'association "Vivre et agir en Maurienne (VAM)".
Soutenue par l'Union européenne, la nouvelle ligne doit à terme relier Lyon et Turin, avec 70% des voies en France et 30% en Italie, et un tunnel de 57,5 km traversant les Alpes entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse. Coût évalué: plus de 26 milliards d'euros.
Les partisans du projet mettent en avant la nécessité de réduire le flux de poids lourds, en constante augmentation, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Ils invoquent aussi le développement économique que permettra selon eux une ligne ferrovaire plus rapide .
Les opposants, eux, font valoir qu'une ligne existe déjà et que le fret ferroviaire n'a cessé de baisser ces dernières années. Ils dénoncent aussi les impacts écologiques de ce chantier "ferroviaire titanesque, impliquant le forage de 260 km de galeries à travers les massifs alpins". Selon eux, les travaux ont déjà tari plusieurs sources et captages dans la vallée.
(R.Dupont--LPdF)