"Les chiens n'ont pas le choix": des volontaires se ruent à leur secours dans la région ukrainienne attaquée de Kharkiv
Elena Goubenko a finalement accepté de quitter son domicile, à l'approche des soldats russes qui sont à nouveau à l'offensive dans la région de Kharkiv (nord-est de l'Ukraine). A une condition: qu'elle emmène avec elle la centaine de chiens qu'elle a secourus des années durant.
"Je serai avec eux, où qu'ils soient (...). Ils sont toute ma vie", dit-elle en poussant ses animaux dans les cages que des volontaires chargent dans des camionnettes.
De nombreux habitants de cette partie de l'Ukraine, à l'instar d'Elena Goubenko, sont restés chez eux pendant les plus de deux années du conflit avec la Russie, y compris quand les forces russes ont attaqué puis occupé la région entre le printemps et l'automne 2022.
Une fois celle-ci repassée sous le contrôle des Ukrainiens, ils vivaient jusqu'à présent dans un calme relatif, malgré l'intensification des frappes.
Mais les Russes qui ont franchi les lignes de défense vendredi, ouvrant un nouveau front, artillerie et avions à l'appui, ont contraint des milliers de personnes à fuir.
- Les soldats russes tout près -
"La Russie avance de là-bas à ici. C'est très dangereux ici", souligne-t-elle, désignant le nord de cette localité.
Dans le jardin, des dizaines de niches en bois se trouvaient à côté d'un terrain de jeux aux balançoires détruites.
"Il y a des bombardements tous les jours, (les chiens) vivent dans le sous-sol (...). Il fait sombre là-dedans", raconte-t-elle.
Une lampe de poche fixée sur la tête, elle fait des allers-retours pour sortir les chiens de la cave noire remplie de toiles d'araignées.
Des bénévoles attendent devant sa porte rouge sur laquelle est écrit en lettres majuscules : "PEOPLE, CHILDREN" (gens, enfants, en anglais). Ils vérifient que les chiens s'entendent bien entre eux – avec l'aide d'Elena Goubenko – avant de les enfermer dans des cages métalliques.
"Je n'aime pas les gens. Je n'évacue pas les gens, je les laisserais là-bas", lâche Pavel Khramtsov, un bénévole de l'ONG Nor Dog.
Cela faisait longtemps que les autorités recommandaient à la population locale d'évacuer, explique-t-il. "Cela a été leur choix de rester, les chiens n'ont pas le choix".
Pavel Khramtsov et son équipe ont donc continué à travailler, parfois dans des conditions infernales.
Certains volontaires ukrainiens ont croisé des militaires russes la veille, assure-t-il, et l'un d'eux a reçu une balle dans une jambe.
- "Une situation désespérée" -
Les volontaires et la police ont réussi à évacuer près de 6.000 personnes ayant fui l'avancée des troupes russes qui ont annoncé des percées en direction de la ville de Vovtchansk et du village frontalier de Lyptsi, a affirmé le gouverneur Oleg Sinegoubov.
Au premier point de rassemblement des évacués de Lyptsi, Kateryna Stepanova, 74 ans, reprend à peine ses esprits.
"C'était une situation désespérée mais nous pensions que nous pouvions rester (..), nous voulions rester à la maison, nous avions un jardin, des poulets et des canards", dit cette femme qui ne pouvait jusqu'alors pas imaginer quitter le village où elle avait passé toute sa vie, espérant jusqu'au bout que les bombardements cesseraient.
Elle a fini par s'enfuir "avec tout ce que je portais, des affaires sales" lorsque des bombes sont tombées dans sa rue.
Ayant eu plus de temps pour préparer son départ, Elena Goubenko a eu la chance de pouvoir emmener ses animaux de compagnie dans un refuge où on lui a promis qu'elle pourrait demeurer avec eux.
Elle espère toujours revenir un jour. "Nous leur avons construit de nouveaux enclos. J'espère que la guerre se terminera et que nous reviendrons (...). Ils seront avec moi et tout ira bien."
(V.Blanchet--LPdF)