Dans les rues d'Athènes, les sans-abri, "les plus vulnérables" à la chaleur
Sous le soleil brûlant d'août à Athènes, Emil Kamenov tire sur son tee-shirt au niveau de son aisselle. "Sentez ça!", lance-t-il pour attirer l'attention sur les difficultés de vivre dans la rue, l'été en Grèce.
"Cette année fut très mauvaise. Les journées sont chaudes, j'ai des vertiges", explique à l'AFP cet homme de 64 ans, né en Bulgarie et qui s'est retrouvé sans-abri avec la crise économique grecque (2008-2018).
Les sans-abri de la capitale grecque se protègent comme ils peuvent des canicules de plus en plus longues.
Quand le thermomètre grimpe fortement, "j'essaie (de me réfugier sous) les arbres. Mais ma place est ici", poursuit-il en montrant son lit de fortune installé dans le recoin d'un mur.
Cette année, la Grèce a enregistré l'hiver le plus chaud suivi de la vague de chaleur la plus précoce. Les mois de juin et juillet ont en outre été les plus chauds de son histoire, selon les services météorologiques.
Athènes, l'une des capitales les plus chaudes d'Europe, est une jungle de béton densément peuplée et dépourvue d'espaces verts, ce qui la rend particulièrement vulnérable à la chaleur.
Or ces conditions extrêmes sont particulièrement difficiles pour les sans-abri.
- "La situation empire" -
"Parce qu'ils vivent dans la rue, ils sont les plus vulnérables", souligne Myriam Karela, 57 ans, assistante sociale bénévole à la Croix-Rouge hellénique.
"Ce sont eux que la chaleur impacte le plus" et le changement climatique ne fait qu'accentuer le problème, selon elle.
"La situation empire. Je le constate chaque année", assure Michalis Samolis qui vit dans un foyer municipal pour sans-abri.
"Je suis dehors 10 heures par jour, sept jours par semaine, 365 jours par an. Je sens clairement la différence", insiste-t-il auprès de l'AFP.
Chaque jour, devant une bouche de métro très fréquentée, cet homme de 67 ans vend le journal de rue Shedia.
"Vous pouvez vous mettre sous un arbre mais personne ne vous verra, alors je reste au soleil car je dois travailler pour survivre", explique-t-il.
Le nombre de personnes sans domicile fixe dans cette capitale méditerranéenne de plus de trois millions d'habitants n'est pas connu mais il a augmenté depuis la crise financière.
A un carrefour animé, Pantelis Spanos, 50 ans, est assis avec une pancarte en carton et un gobelet.
Le thermomètre affiche 36°C ce qui est "tout à fait raisonnable", selon cet ancien héroïnomane qui porte, malgré la chaleur écrasante, un vêtement à manches longues.
- "Moindres détails" -
"Croyez-le ou non, cela protège. Si je porte des manches courtes, je transpire, puis le vent arrive et on a froid", indique-t-il à l'AFP.
A sa gauche, une zone délaissée avec des immeubles en ruine et des toxicomanes tandis qu'à quelques centaines de mètres, des touristes prennent des photos de ruines antiques.
Outre la chaleur, le mois d'août est difficile pour M. Spanos car la ville se vide de ses habitants et il récolte donc moins d'argent.
La municipalité d'Athènes tient à la disposition des sans-abri sept espaces climatisés également proposés aux personnes ne disposant pas de climatiseur chez elles avec des horaires d'ouverture étendus notamment aux week-ends, selon Jeannie Yannimata qui dirige le service d'action municipale Kyada.
Mais les persuader d'y aller n'est pas une mince affaire, explique Mme Karela, la volontaire de la Croix-Rouge.
"Ils ne veulent pas perdre la place où ils gardent leurs affaires, sinon quelqu'un la prendra", affirme-t-elle.
Selon elle, un tiers seulement des personnes vivant dans la rue se rend dans ces espaces.
Début août, comme chaque mois, la Croix-Rouge à distribué à 150 personnes vivant dans la rue des colis avec des produits de première nécessité, notamment des chapeaux.
L'ONG prodigue également des conseils, des premiers soins et un soutien psychosocial.
Mais la crise climatique a bouleversé leur emploi du temps, car si auparavant il fallait aider les sans abri contre le froid en hiver, maintenant il faut les protéger contre la chaleur.
"Pendant de nombreuses années, nous intervenions surtout en hiver. Maintenant, c'est de plus en plus l'été", conclut Mme Karela.
(V.Castillon--LPdF)