Ouverture en Colombie de la COP16 Biodiversité
La conférence des Nations unies sur la sauvegarde de la nature a débuté lundi en Colombie, un marathon de deux semaines pour tenter de débloquer les moyens nécessaires pour tenir ses objectifs de stopper d'ici 2030 la destruction de la biodiversité par l'humanité.
La ministre de l'Environnement colombienne Susana Muhamad a ouvert les débats en prenant la présidence de cette 16éme conférence de la Convention de l'ONU sur la diversité biologique, lors d'une première séance plénière ouverte par une prière à la "Pachamama", la Terre-Mère, prononcée par des membres de l'un des 150 peuples autochtones du pays.
Cette COP Biodiversité, la plus grande jamais organisée avec 23.000 inscrits, se tient sous haute sécurité à Cali, capitale d'une province du sud-ouest en état d'alerte en raison des menaces d'une guérilla en guerre ouverte avec le gouvernement.
Environ 11.000 policiers et soldats colombiens, soutenus par du personnel de sécurité de l'ONU et des États-Unis, renforcent la sécurité à Cali où 140 ministres et une douzaine chefs d'État sont attendus fin octobre.
Susana Muhamad a listé ses cinq priorités d'"une COP réussie", citant en premier "l'importance de la reconnaissance du travail des peuples indigènes et des communautés locales", dont les territoires conservent les plus grands trésors de biodiversité.
"Il s'agit de reconnaître le pouvoir politique de ceux qui sont en première ligne de la crise de la biodiversité et en première ligne des solutions" et "nous avons besoin de tous les outils issus de l'expérience ancestrale de l'humanité", a-t-elle défendu.
"Nous sommes la nature", a déclaré la ministre colombienne. "Et c'est à partir de ce sens profond, presque spirituel, de l'humanité, que nous pouvons créer cet objectif commun qui devrait être aussi important, voire plus, que la transition énergétique et la décarbonation" de l'économie, traitées par les biens plus médiatisées COP sur le climat (dont la prochaine, la COP29, s'ouvrira dans trois semaines en Azerbaïdjan), malgré les appels à concilier la crise climatique et celle de la nature.
- "Sous-financés" -
"La planète n'a pas de temps à perdre", "Cali 2024 pourrait être une lumière dans un monde très sombre", a-t-elle encouragé les délégués des 196 pays membres (sans les États-Unis) de la Convention.
Dimanche, ils ont été exhortés par le chef de l'ONU Antonio Guterres de "passer de la parole aux actes" car "nous ne sommes pas sur la bonne voie".
A la COP15 il y a deux ans, l'accord historique de "Kunming-Montréal", une feuille de route destinée à "stopper et inverser" d'ici 2030 la destruction des terres, des océans et des espèces vivantes, indispensables à l'humanité, a été adopté.
Les pays s'étaient engagés à présenter d'ici la COP16 une "stratégie nationale biodiversité" reflétant leur part des efforts pour tenir les 23 objectifs mondiaux fixés : protéger 30% des terres et mers, restaurer 30% des écosystèmes dégradés, réduire de moitié les pesticides et le taux d'introduction d'espèces exotiques envahissantes, mobiliser 200 milliards de dollars par an pour la nature, etc...
Mais à ce jour, seuls 34 pays ont respecté leur engagement de présenter ces stratégies complètes. Et 107 ont soumis des "cibles nationales", c'est-à-dire des engagements sur tout ou partie des objectifs, selon Astrid Schomaker, secrétaire exécutive de la CDB.
La COP16 doit aussi présenter les détails d'un mécanisme de suivi des efforts mondiaux, avec des indicateurs indiscutables, afin de responsabiliser les pays et préparer un bilan d'étape officiel crédible à la COP17 en 2026. Et négocier un système de partage des bénéfices réalisés par les entreprises des pays riches, cosmétiques et pharmaceutiques en tête, grâce aux données génétiques issues de plantes et d'animaux conservés par les pays en développement.
Mais le nerf de la guerre sera surtout financier : "Nous sommes tous d'accord pour dire que nous sommes sous-financés pour cette mission, que nous avons besoin d'autres sources de financement", a déclaré la présidente de la COP16, pressant les pays développés, censés fournir 20 milliards de dollars par an d'ici 2025, d'annoncer de nouveaux engagements.
L'ONG Greenpeace, dans un rapport dévoilé lundi, s'est montré plus alarmiste et estime qu'au rythme actuel l'objectif de protéger 30% des océans avant 2030 ne sera pas atteint avant la fin du siècle.
Depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992, quand la CBD a été créée, seuls 8,4% des océans sont devenus des aires marines protégées (AMP). Et seulement 2,7% des océans sont "fortement" protégés des activités humaines, estime Greenpeace.
"Les gouvernements doivent accélérer le rythme des ratifications pour que le traité mondial sur les océans prenne vie en 2025", "seul moyen" pour tenir l'objectif des 30%, a déclaré à Cali Megan Randles, conseillère politique de Greenpeace UK.
(A.Monet--LPdF)