L'Asie, "moteur économique" du globe à la merci des tensions commerciales et du climat
L'Asie reste "le principal moteur" de l'économie mondiale, mais son horizon s'assombrit, entre aggravation des tensions commerciales sino-américaines, fragile conjoncture chinoise et montée des risques climatiques, avertit dans un entretien à l'AFP Thomas Helbling, directeur-adjoint du FMI pour la région.
Si le continent regroupe des pays aux situations variées, l'Asie dans son ensemble contribuera cette année à pas moins de 60% à la croissance économique du globe, rappelle le Fonds monétaire international (FMI) dans un rapport publié vendredi.
Très au-delà de la moyenne mondiale (3,2%), le PIB asiatique devrait croître de 4,6% en 2024, selon les prévisions révisées du Fonds, avec une croissance attendue de 5,3% pour les économies asiatiques émergentes et en développement, tirée par l'Inde (+7%), le Vietnam (+6,1%) et l'Indonésie (+5%).
Pour autant, les risques abondent: menaces géopolitiques, crise immobilière persistante en Chine, affaiblissement de la demande mondiale, et turbulences des marchés financiers. Surtout, l'Asie reste suspendue à l'escalade des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis -qui devraient s'intensifier quelle que soit l'issue du scrutin présidentiel américain.
De quoi mettre en difficulté les économies asiatiques, qui ont profité pendant des décennies de chaînes de productions régionales intégrées et interdépendantes, et qui ont continué de renforcer leurs échanges avec la Chine comme avec les Etats-Unis malgré le conflit douanier des deux puissances, explique Thomas Helbling, rencontré à Tokyo.
"Tous verraient en fin de compte leurs perspectives de croissance pénalisée" par une aggravation de la guerre commerciale, estime le FMI.
Et celle-ci ne devrait même pas épargner des pays comme l'Inde ou le Vietnam, où ont été relocalisées des usines d'entreprises occidentales soucieuses de réduire leur dépendance à l'égard de la Chine et par lesquels transitent des produits chinois via un circuit destiné à contourner les sanctions américaines.
"Si les sanctions restent bilatérales, des possibilités existent pour des voies de contournement via des pays tiers", mais ces possibilités s'évaporent quand les restrictions s'élargissent car "les pays initiant (les sanctions) limitent ces contournements", via "des règles durcies" sur l'origine des produits, souligne Thomas Helbling.
Ce que Washington s'efforce de faire face à l'afflux de produits chinois transitant vers le Mexique.
-"Perte d'efficacité"-
Plus généralement, "les gains dont bénéficient des pays comme le Vietnam et la Corée du Sud grâce au détournement des flux commerciaux ne représentent qu'une partie l'histoire", ajoute M. Helbling.
Ainsi, explique-t-il, "la nouvelle organisation des échanges commerciaux" et la relocalisation des chaînes de production entraîne des "pertes d'efficacité" et une augmentation des prix, "avec un impact négatif pour la croissance mondiale" qui finit par pénaliser également les pays qui "en principe profitaient" des effets collatéraux de la guerre commerciale.
Bref, si ces pays asiatiques "gagnent des parts de marché à l'exportation, ils risquent de voir leur situation se dégrader en raison de l'affaiblissement de l'économie mondiale" qui réduit la demande de leurs partenaires, résume le rapport.
D'autant que cette réorganisation "s'est concentrée sur certaines catégories de produits visées par des tarifs ou barrières commerciales par les Etats-Unis, ou ceux où la Chine frappés de mesures de rétorsion chinoises", nuance M. Helbling.
Elément plus positif: le FMI pointe la transition en cours des économies asiatiques vers les services -des activités à plus forte productivité, susceptibles de conforter salaires et consommation intérieure... en réduisant leur dépendance aux exportations.
-Menace climatique-
A moyen et long terme, l'institution s'alarme de la vulnérabilité des pays asiatiques aux effets du réchauffement climatique: perturbations des chaînes d'approvisionnement, dommages aux infrastructures, insécurité alimentaire, migrations, fardeau financier...
"C'est un risque très important, en particulier pour les Etats insulaires du Pacifique et une +ceinture rouge+ à risque des régions situées le long de l'Equateur", tandis que les épisodes de chaleur extrême se répètent dans de vastes régions indiennes, observe Thomas Helbling, soulignant la difficulté à quantifier le coût économique à long terme.
Un rapport de la Banque asiatique de développement (BAD) publié jeudi tente malgré tout d'établir une estimation.
Selon elle, en cas de persistance d'un niveau d'émissions élevées de gaz à effet de serre, ces effets pourraient amputer de 17% le PIB des pays en développement d'Asie et du Pacifique d'ici 2070 et de 41 % d'ici 2100.
(M.LaRue--LPdF)