Procès des attentats de Bruxelles: cinq accusés dont Abdeslam désertent le box
Une grève du box pour protester contre leurs conditions d'extraction "indignes": Salah Abdeslam et quatre de ses coaccusés ont quitté la salle d'audience mercredi, au troisième jour du procès des attentats de Bruxelles qui ont fait 32 morts le 22 mars 2016.
Ce départ en rangs serrés des cinq principaux accusés, déjà condamnés en France pour leur participation aux attaques jihadistes du 13 novembre 2015, fait planer le risque d'une participation minimale, voire nulle, à l'audience bruxelloise.
"Tout est fait pour qu'on se taise. (...) Si personne ne parle, il ne peut y avoir de procès", a lancé Ali El Haddad Asufi, pendant que ses voisins de box, Salah Abdeslam, Sofien Ayari, Osama Krayem et Mohamed Abrini se levaient et partaient sans un mot.
Comme l'avait fait dès l'ouverture des débats lundi Mohamed Abrini, "l'homme au chapeau" qui a renoncé à se faire exploser à l'aéroport de Bruxelles le 22 mars 2016, Ali El Haddad Asufi a dénoncé les conditions d'extraction et de transfert auxquelles ils sont soumis quotidiennement.
Yeux bandés, menottes aux poignets, casque avec de la musique à plein volume, fouilles et génuflexion à nu, mais aussi "caméra dans les toilettes" dans la cellule du palais de justice, situé sur l'ancien site de l'Otan à Bruxelles.
"On nous humilie tous les matins. (...) Tout est fait pour nous briser psychologiquement", a vilipendé Ali El Haddad Asufi, accusé de soutien logistique aux auteurs des attentats qui ont fait 32 morts et des centaines de blessés à l'aéroport de Bruxelles-Zaventem et dans le métro de la capitale européenne.
"Cela fait six ans que j'attends mon procès et que je clame mon innocence. On n'a pas les moyens de s'exprimer sereinement", a poursuivi ce Belgo-Marocain de 38 ans.
"Tout ce qu'on veut c'est parler, tout ce qu'on veut, c'est se défendre", a-t-il encore assuré, demandant "des mesures dignes", comme "tous les justiciables".
- "Ras-le-bol total" -
La présidente de la cour d'assises Laurence Massart a réaffirmé qu'elle n'avait pas la "compétence" d'assouplir les conditions de transfert, mais a toutefois indiqué qu'elle écrirait dès la pause de la mi-journée aux autorités compétentes.
"La cour espère que le procès se déroulera le plus sereinement possible", a déclaré la magistrate, avant que M. El Haddad Asufi quitte le box à son tour.
Après cet incident, le ministère public a repris la lecture entamée la veille de l'acte d'accusation, un résumé des investigations de plus de 450 pages, devant un box quasi vide.
Au total, sept accusés comparaissent détenus. Deux autres sont libres et un dixième, présumé mort en Syrie, est jugé par défaut.
"C'est plus qu'un mouvement d'humeur, c'est un ras-le-bol total, c'est l'épuisement", a déclaré à l'AFP en marge de l'audience Stanislas Eskenazi qui défend Mohamed Abrini.
"Ce qu'on demande, c'est qu'on ait un procès équitable. Et pour cela, il faut des conditions sereines", a ajouté l'avocat.
Le conseil d'Ali El Haddad Asufi, Jonathan De Taye, avait annoncé lundi une mise en demeure du ministère de la Justice afin d'obtenir l'assouplissement des mesures de sécurité.
La réponse du ministère "est négative", a-t-il indiqué à l'AFP. "On va attendre que les choses se décantent, mais il y a urgence, ce n'est pas tenable", a poursuivi Me De Taye, disant réfléchir à des voies de recours.
Ce coup d'éclat intervient après une première polémique sur les box, qui avait repoussé de près de deux mois le début du procès, et à une dizaine de jours des interrogatoires des accusés, prévus à partir du 19 décembre.
Le ministère de la Justice "doit absolument remédier à la situation", a réagi dans un communiqué le collectif Life4Brussels, qui représente environ 300 parties civiles.
"Les victimes ont été maltraitées durant plus de six ans. (...) Après la saga des box, aujourd'hui, une nouvelle saga risque de mettre à mal ce procès. Il n'est pas envisageable pour nous que les accusés ne prennent pas part à ce procès", ajoute le collectif.
(V.Blanchet--LPdF)