Entre Moscou et Washington, un échange de prisonniers mais une diplomatie au point mort
Malgré le succès, jeudi, d'un rare échange de prisonniers, les canaux diplomatiques entre Moscou et Washington ne restent ouverts qu'à un champ très restreint.
Au lendemain de l'échange de la basketteuse américaine Brittney Griner contre le trafiquant d'armes russe Viktor Bout, des responsables américains et russes se sont rencontrés vendredi à Istanbul pour échanger sur "un petit nombre de sujets bilatéraux" qui n'incluait pas la guerre en Ukraine.
La double championne olympique et celui qu'on surnomme "le marchand de mort" se sont croisés jeudi sur un tarmac d'Abou Dhabi dans une chorégraphie qui rappelait celles de la Guerre froide, avant que chacun ne reparte dans son pays, accueilli par les siens.
Viktor Bout, arrêté en Thaïlande en 2008 puis condamné à 25 ans de prison aux Etats-Unis, a déclaré après un retour triomphal en territoire russe que l'Occident voulait "détruire" la Russie.
Mais l'ancien Marine américain Paul Whelan demeure lui toujours emprisonné dans des geôles russes, condamné pour espionnage. Un point sur lequel s'appuient nombre de républicains pour critiquer l'échange négocié par l'administration de Joe Biden qui assure travailler à sa libération.
Vladimir Poutine a semblé ouvert à cette possibilité vendredi, indiquant que d'autres échanges de prisonniers avec Washington étaient "possibles".
"C'est le résultat de négociations et de la recherche de compris" a ajouté le président russe à la presse depuis Bichkek, la capitale du Kirghizstan.
Il a aussi déclaré que sur le conflit en Ukraine - envahie par la Russie le 24 février et dont la contre-offensive, soutenue par l'appui militaire de l'Occident, a fait reculer en partie les troupes russes - "au final, il faudra trouver un accord".
- Relations déplorables -
Des discussions directes avec Moscou sur l'Ukraine ne sont néanmoins pas à l'ordre du jour pour Washington.
Joe Biden ne veut pas s'entretenir avec son homologue russe d'un éventuel règlement diplomatique du conflit sans l'aval de Kiev qui, sous les bombes, refuse pour l'instant d'en entendre parler.
A défaut, Washington ne s'interdit pas des discussions sur d'autres sujets ciblés, et l'échange de prisonniers jeudi constitue le second depuis le début de la guerre en Ukraine: Trevor Reed, un ex-Marine condamné à neuf ans de prison en Russie pour violences, avait été échangé en avril à Istanbul contre le pilote russe Konstantin Iarochenko.
Ces négociations n'ont d'autre but que de libérer des citoyens américains, confirme Will Pomeranz, directeur du Kennan Institute au Wilson Center, un think-tank basé à Washington.
"Je ne pense pas que cela aura le moindre impact sur les relations entre la Russie et les Etats-Unis", analyse-t-il. "Elles sont dans un état complétement déplorable, et je ne pense pas que cela puisse changer la dynamique".
- Sujets bien précis -
C'est par des canaux parallèles, et avec l'aide des Emirats arabes unis, que Moscou et Washington sont parvenus à l'accord sur Brittney Griner et Viktor Bout.
La Turquie, qui a accueilli vendredi les discussions américano-russes, a construit comme les Emirats arabes unis une alliance complexe avec les Etats-Unis, en refusant notamment de prendre des mesures pour isoler Moscou de la scène internationale, servant ainsi de plateformes pour les expatriés russes.
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken avait proposé un échange incluant Mme Griner à son homologue russe Sergueï Lavrov lors d'un appel téléphonique en juillet, seule conversation connue entre les deux hommes depuis le début de la guerre en Ukraine.
Après la libération de la star du basket, le chef de la diplomatie américaine a dit que les Etats-Unis étaient aussi prêts à collaborer avec la Russie sur des sujets bien précis comme la limitation de l'armement, mais que l'échange n'était pas le signe d'une ouverture diplomatique plus large.
"Il s'agit du retour des Américains injustement emprisonnés dans leurs familles", a expliqué Antony Blinken sur CBS News. "C'était l'objectif principal, rien de plus, mais aussi rien de moins."
(R.Dupont--LPdF)