Mobilisation générale en Ukraine contre l'invasion russe, explosions à Kiev
L'Ukraine, où des combats meurtriers opposent forces russes et ukrainiennes jusqu'aux portes de Kiev, a annoncé la mobilisation générale pour tenter de freiner l'offensive massive déclenchée par Vladimir Poutine, et des explosions ont retenti vendredi à l'aube dans la capitale.
Deux fortes explosions ont été entendues dans le centre de Kiev, selon des journalistes de l'AFP, le vice-ministre ukrainien de l'Intérieur, Anton Gerachtchenko, affirmant de son côté qu'il s'agissait de frappes de missiles de croisière ou balistiques.
Jeudi soir, le président Volodymyr Zelensky a décrété la mobilisation générale et le rappel des réservistes sous 90 jours dans toutes les régions du pays.
Selon des sources militaires occidentales, l'armée russe se rapprochait de Kiev, où un couvre-feu a été imposé, avec l'intention de "décapiter le gouvernement" ukrainien et d'y installer à la place un gouvernement favorable à Moscou.
Le gouverneur de la région de Soumy (nord-est), Serhiï Jyvytskiï - cité par l'agence de presse UNIAN - a déclaré que "des engins (russes, ndlr) sont partis de Soumy en direction de Kiev, beaucoup d'engins", ajoutant que des points de contrôle russes avaient été mis en place sur les routes menant la capitale depuis cette région.
Les forces militaires des Etats de l'Otan ont été placées en état d'alerte et certaines unités vont faire mouvement pour renforcer le flanc est de l'alliance. Un sommet de l'Alliance atlantique consacré à la crise en Ukraine se déroulera en visioconférence vendredi
Les Etats-Unis, qui n'enverront pas de troupes en Ukraine, défendront "le moindre pouce de territoire de l'Otan", a assuré le président Joe Biden. Le Pentagone dépêchera quelque 7.000 soldats de plus en Allemagne.
De son côté, la France va accélérer le déploiement dans le cadre de l'Otan de soldats en Roumanie, pays frontalier de l'Ukraine, a annoncé le président Emmanuel Macron à l'issue d'un sommet exceptionnel de l'UE à Bruxelles, jugeant également utile de "laisser ouvert le chemin" du dialogue avec Moscou pour obtenir un arrêt de son offensive.
- "Paria" -
L'invasion a provoqué un tollé dans la communauté internationale.
Les Etats-Unis et l’Albanie ont demandé un vote du Conseil de sécurité de l'ONU vendredi à 20H00 GMT sur un projet de résolution condamnant l’invasion de l’Ukraine et réclamant à la Russie le retrait immédiat de ses troupes.
Joe Biden, pour qui le maître du Kremlin va devenir "un paria sur la scène internationale", a imposé des restrictions aux exportations de produits technologiques vers la Russie.
Les dirigeants des 27 pays de l'UE ont parallèlement pris des sanctions "massives" contre la Russie dans les secteurs de l'énergie, de la finance et des transports mais sans l'exclure du réseau bancaire Swift, qui permet de recevoir ou d'émettre des paiements dans le monde entier.
Le Japon a aussi annoncé des sanctions contre Moscou, visant notamment l'exportation de composants électroniques vers la Russie.
Moscou a de son côté promis une réplique "sévère" à ces mesures.
- Au moins 137 morts côté ukrainien -
Le président Zelensky a dressé vendredi le dernier bilan des pertes côté ukrainien, civiles et militaires: au moins 137 morts et 316 blessés.
L'armée ukrainienne a estimé vendredi les pertes matérielles russes à plus de 30 tanks, quelque 130 véhicules blindés de combat, sept avions et six hélicoptères.
Les deux camps faisaient des déclarations invérifiables, mais l'armée russe gagnait du terrain. Dans la région de Kherson, elle est présente dans plusieurs zones et contrôle Genichesky, ville à 300 km à l'ouest de la frontière russe.
Le ministère de la défense du Royaume-Uni a toutefois jugé, dans un communiqué, "improbable que la Russie ait atteint ses objectifs militaires prévus" pour le premier jour de son attaque, soulignant "la résistance acharnée" des forces ukrainiennes.
L'offensive russe a commencé jeudi à l'aube, après la reconnaissance lundi par Vladimir Poutine de l'indépendance de territoires séparatistes ukrainiens du Donbass.
"J'ai pris la décision d'une opération militaire spéciale" ayant pour but "une démilitarisation et une dénazification de l'Ukraine", a martelé le président russe à la télévision, mais "nous n'avons pas dans nos plans une occupation des territoires ukrainiens".
Pour justifier cette intervention, il a réitéré ses accusations, infondées, d'un "génocide" orchestré par Kiev dans les "républiques" rebelles prorusses, cité un appel à l'aide des séparatistes et dénoncé la politique "agressive" de l'Otan.
Juste après le discours de M. Poutine, des explosions ont retenti à Kiev et dans les grandes villes ukrainiennes. La centrale de Tchernobyl, théâtre du pire accident nucléaire de l'histoire en 1986, est tombée plus tard aux mains des soldats russes.
Dès les premières heures de la journée, des habitants de Kiev se sont pressés dans le métro pour s'y abriter, ou tentaient de quitter la ville.
"Je ne pensais pas que cela arriverait de mon vivant", a confié Olena Kourilo, 52 ans, éducatrice à Tchougouïv, près de Kharkiv.
- "J'ai vite fait mes bagages" -
Environ 100.000 personnes ont fui leur foyer en Ukraine et des milliers ont quitté leur pays, a déploré le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés. L'UE s'est dite "pleinement préparée" à les accueillir.
Quelque 200 d'entre eux ont passé la nuit dans la gare polonaise de Przemysl (sud-est), faisant défiler anxieusement les nouvelles de la ligne de front sur leurs téléphones. "J'ai entendu les explosions à côté de mon immeuble... et j'ai vite fait mes bagages, j'ai presque tout pris avec moi", a raconté Olha, une enseignante de 36 ans de l'Institut polytechnique de Kiev.
A Moscou, des rassemblements contre la guerre ont eu lieu dans le centre de la capitale ainsi qu'à Saint-Pétersbourg. Plus de 1.700 personnes ont été interpellées sur l'ensemble du territoire russe, selon une ONG.
Vladimir Poutine a averti les Occidentaux "qui tenteraient d'interférer", que "la réponse de la Russie sera immédiate et entraînera des conséquences que vous n'avez encore jamais connues".
L'offensive russe intervient huit ans après que Moscou eut annexé la Crimée et parrainé la prise de contrôle de régions du Donbass par des séparatistes prorusses, déclenchant un conflit régional qui a fait plus de 14.000 morts.
Elle a semé la tempête sur les marchés mondiaux, avec chute des bourses européennes et flambée des cours des matières premières. Le pétrole a franchi les 100 dollars le baril, une première depuis 2014.
La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a prévenu que le conflit faisait peser "un important risque économique pour la région et le monde", au moment où l'économie mondiale tente de se relever de la pandémie de Covid-19.
burx-cat-bds-ayv/am/roc
(A.Laurent--LPdF)