Dans la traque aux avoirs des oligarques, la France saisit un méga-yacht russe
Un méga-yacht, propriété d'une société liée au puissant patron du géant pétrolier russe Rosneft, a été saisi jeudi dans le sud de la France, un des actes les plus tangibles de la traque aux biens de luxe des oligarques russes proches de Vladimir Poutine.
L'Amore Vero, d'une longueur de près de 86 mètres, était en maintenance dans un chantier naval de La Ciotat (Bouches-du-Rhône) et s'apprêtait à appareiller sans attendre.
"La douane française a procédé à la saisie du yacht Amore Vero à La Ciotat, dans le cadre de la mise en œuvre des sanctions de l'Union européenne à l'encontre de la Russie", a indiqué le ministère français de l'Économie et des Finances dans un communiqué.
Ce yacht est "détenu par une société dont Igor Setchine, dirigeant de la société Rosneft, a été identifié comme le principal actionnaire". Et il "entrait dans le champ des mesures de gel décidées à l'encontre de son propriétaire" par l'Union européenne, a ajouté le ministère.
Considéré comme l'un des chefs de file du clan de "siloviki" - un mot qui désigne les hauts responsables issus des services de sécurité - M. Setchine est un fidèle du maître du Kremlin depuis les années 1990.
Des informations de presse qui n'avaient pas encore pu être vérifiées par l'AFP signalaient qu'un autre yacht, le Dilbar, considéré comme le plus grand yacht du monde, propriété de l'oligarque russe Alisher Usmanov, aurait également été saisi par les autorités allemandes dans le port de Hambourg.
"L'Amore Vero est immobilisé en France", s'est félicité sur Twitter le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt, qui a la responsabilité des Douanes françaises.
Le bateau a été bloqué dans la nuit de mercredi à jeudi, alors que "le navire prenait des dispositions pour appareiller dans l'urgence, sans avoir achevé les travaux prévus", a-t-il ajouté.
Luxueux, ce yacht dispose sur son pont principal d'une piscine qui peut se transformer en héliport et son intérieur a été conçu par l'architecte d'intérieur renommé Alberto Pinto, selon le site internet de son constructeur. Sa valeur s'élèverait à 120 millions de dollars, selon une source souhaitant rester anonyme.
- Contrôles longs et difficiles -
Symboles de l'enrichissement massif des hauts responsables politiques et économiques russes, les yachts font partie des biens qu'ils détiennent à l'étranger ciblés par les sanctions occidentales. Leur interception est un des premiers signes tangibles de l'application de ces sanctions.
Les sanctions européennes visent près de 500 personnalités ou entités russes, dont les avoirs et les ressources économiques doivent être progressivement gelés, à mesure que les Etats européens parviennent à les localiser et les relier à leurs propriétaires.
A La Ciotat, près de Marseille, l'opération de contrôle française a ainsi pris du temps, les douanes devant vérifier l'identité du propriétaire se cachant derrière la société qui détenait en propre le navire, explique une source officielle française.
"Il y a beaucoup d'échos dans le milieu sur des yachts russes s’apprêtant à quitter la Côte d’Azur", indique aussi à l'AFP une source connaissant bien le milieu du yachting.
"La difficulté, c'est qu'ils ne sont pas sous pavillon russe mais sous autre pavillon, avec derrière des montages compliqués via des sociétés écrans donc le travail des douanes consiste à voir qui se cache derrière", confirme à l'AFP une source connaissant bien le secteur de la grande plaisance.
Il s'agit du troisième bateau intercepté par la France dans le cadre des mesures de rétorsion prises après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Samedi dernier, les autorités françaises ont immobilisé dans la Manche un bateau de commerce appartenant selon Paris à la banque russe PSB, le Baltic Leader, et dimanche, c'est un cargo russe, le Victor Andryukhin, appartenant à une compagnie de leasing publique russe, qui a été gelé dans le port de Marseille-Fos.
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(A.Monet--LPdF)