Ukraine: la plus grande centrale nucléaire d'Europe touchée par des frappes russes
La centrale atomique de Zaporijjia, la plus grande d'Europe dans le centre de l'Ukraine, a été touchée vendredi par des frappes de l'armée russe qui ont provoqué un incendie, mais sa sécurité est "garantie" selon Kiev qui a accusé Moscou d'avoir recours à la "terreur nucléaire".
"Suite à un bombardement des forces russes sur la centrale nucléaire de Zaporijjia, un incendie s'est déclaré", a indiqué e porte-parole de la centrale, Andreï Touz, dans une vidéo publiée sur Telegram.
"La sécurité nucléaire est maintenant garantie. Selon les responsables de la centrale, un bâtiment pour les formations et un laboratoire sont touchés par un incendie", a par la suite indiqué sur Facebook Oleksandre Staroukh, chef de l'administration militaire de la région de Zaporijjia. Il a précisé que les pompiers avaient pu accéder à la centrale.
Les niveaux de radioactivité restent inchangés sur le site de la centrale, qui compte six réacteurs nucléaires et fournit une grande partie de l'énergie du pays, a indiqué de son côté l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), selon qui aucun équipement "essentiel" n'a été touché.
L'AIEA "appelle à cesser l'usage de la force et avertit d'un grave danger si les réacteurs sont touchés", a tweeté l'organisation.
"Nous alertons tout le monde sur le fait qu'aucun autre pays hormis la Russie n'a jamais tiré sur des centrales nucléaires. C'est la première fois dans notre histoire, la première fois dans l'histoire de l'humanité. Cet Etat terroriste a maintenant recours à la terreur nucléaire", a-t-il affirmé dans une vidéo publiée par la présidence ukrainienne.
- "La fin de l'Europe" -
"L'Ukraine compte quinze réacteurs nucléaires. S'il y a une explosion, c'est la fin de tout. La fin de l'Europe. C'est l'évacuation de l'Europe", a-t-il poursuivi.
"Seule une action européenne immédiate peut stopper les troupes russes. Il faut empêcher que l'Europe ne meure d'un désastre nucléaire", a ajouté le président ukrainien.
M. Zelensky s'est entretenu au téléphone avec le président américain Joe Biden au sujet de l'attaque de la centrale, a indiqué un responsable à Washington.
Le 24 février, des combats avaient déjà eu lieu près de l'ancienne centrale de Tchernobyl, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev, et qui est désormais entre les mains des troupes russes.
Dans des déclarations à la télévision russe jeudi, le président Vladimir Poutine n'a donné aucun espoir d'apaisement de l'offensive.
"L'opération militaire spéciale se déroule strictement selon le calendrier, selon le plan", a-t-il déclaré, rendant hommage aux soldats russes et à leur "précieux combat contre des néonazis" et des "mercenaires étrangers" qui utilisent selon lui les civils comme "boucliers humains" en Ukraine.
- Facebook inaccessible en Russie -
En Russie, les pages internet de Facebook et plusieurs médias indépendants ou étrangers étaient en partie inaccessibles vendredi. Et la Douma devait examiner vendredi un projet de loi prévoyant jusqu'à 15 ans de prison pour toute publication de "fake news" concernant l'armée.
Les forces russes intensifient leurs frappes sur les principales villes d'Ukraine. Kiev a notamment accusé Moscou jeudi d'avoir bombardé une zone résidentielle à Tcherniguiv, sur la route de Kiev, faisant 33 morts.
Outre des habitations, "l'aviation russe a attaqué deux écoles du quartier de Stara Podsoudovka", a écrit le gouverneur local, Viatcheslav Tchaous sur son compte Telegram, publiant des images de bâtiments éventrés.
Des images du service des situations d'urgence montraient notamment des sauveteurs transportant des corps.
Vladimir Poutine a douché jeudi les espoirs de médiation du président français Emmanuel Macron, lui déclarant au téléphone que la Russie avait "l'intention de poursuivre sans compromis son combat contre les membres des groupes nationalistes qui commettent des crimes de guerre", et répétant son exigence d'une démilitarisation et d'un statut neutre pour l'Ukraine, selon le Kremlin.
"Le pire est à venir", M. Poutine veut "prendre le contrôle" de toute l'Ukraine, a jugé le président français après cet appel, selon l'Elysée.
- Couloirs humanitaires -
Les négociateurs russes et ukrainiens se sont retrouvés jeudi à la frontière entre la Pologne et le Bélarus pour une deuxième tentative de pourparlers, lors de laquelle Kiev espérait obtenir une trêve. "Malheureusement, il n'y a pas encore les résultats escomptés pour l'Ukraine. Il n'y a qu'une solution pour organiser des couloirs humanitaires" pour l'évacuation des civils, a écrit sur Twitter Mikhaïlo Podoliak, un membre de la délégation ukrainienne.
Plus d'un million de réfugiés ont déjà fui l'Ukraine, selon l'ONU.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, devenu un héros dans son pays, a de son côté mis le maître du Kremlin au défi de le rencontrer. "Je dois parler à Poutine (...) car c'est le seul moyen d'arrêter cette guerre", a-t-il lancé.
Il a de nouveau exhorté les Occidentaux à accroître leur soutien, à "fermer le ciel" ukrainien aux avions russes, et les a mis en garde : "Si nous disparaissons, que Dieu nous protège, ensuite ce sera la Lettonie, la Lituanie, l'Estonie etc... Jusqu'au mur de Berlin, croyez-moi".
L'armée russe semble avoir encore renforcé sa puissance de feu pour accélérer la prise de villes stratégiques. Elle a pris jeudi à l'aube le contrôle de Kherson, métropole de 290.000 habitants proche de la péninsule de Crimée, après de violents bombardements.
Le chef de l'administration régionale de Kherson, Guennadi Lagouta, a appelé sur Telegram les habitants à rester chez eux. "Les occupants sont dans tous les quartiers de la ville et très dangereux", a-t-il mis en garde.
Plus à l'est, à Marioupol, le maire a accusé la Russie de vouloir assiéger la ville. Ce grand port ukrainien de la mer d'Azov, site clé pour la progression des forces russes, "résiste" pour l'instant, selon l'armée ukrainienne.
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken est arrivé dans la nuit à Bruxelles pour des entretiens vendredi avec des responsables de l'Otan et de l'UE, après quoi il doit se rendre en Pologne, dans les trois pays baltes et en Moldavie.
Cette dernière, qui craint d'être la prochaine cible de Moscou, a annoncé jeudi avoir déposé officiellement sa candidature à l'entrée dans l'Union européenne, tout comme la Géorgie, suivant l'exemple de l'Ukraine.
(M.LaRue--LPdF)