Kiev rejette les évacuations vers la Russie, reprise des négociations entre belligérants
L'Ukraine a refusé lundi d'évacuer vers la Russie des civils menacés par l'avancée des troupes russes, une proposition russe qualifiée de "cynique" par Paris, mais devait retrouver la partie adverse dans l'après-midi pour un nouveau round de négociations sur les questions humanitaires.
Au douzième jour de l'invasion russe, Moscou a annoncé l'instauration de cessez-le-feu locaux et l'ouverture de couloirs humanitaires pour permettre l'évacuation de civils de plusieurs villes d'Ukraine, dont la capitale Kiev, que l'armée russe encercle, et Kharkiv, la deuxième ville du pays, dans l'est, sous un feu nourri depuis plusieurs jours.
Mais la moitié de ces couloirs rejoignent la Russie ou le Bélarus, depuis lequel l'armée russe est aussi entrée en Ukraine le 24 février, et ont aussitôt été rejetés par le gouvernement ukrainien.
"Tout ça n'est pas sérieux, c'est du cynisme moral et politique, qui m'est insupportable", a renchéri le président français Emmanuel Macron, un des rares dirigeants occidentaux qui continuent à échanger avec le maître du Kremlin, Vladimir Poutine.
Selon l'armée russe, la décision d'ouvrir des couloirs humanitaires a été prise après une "demande personnelle" du président français adressée à son homologue russe et des cessez-le-feu locaux ont bien débuté à 07H00 GMT.
Le représentant russe aux pourparlers entre Moscou et Kiev, Vladimir Medinski, a lui accusé l'Ukaine d'empêcher l'évacuation des civils de zones de combats et de les "utiliser directement et indirectement, y compris comme bouclier humain, ce qui est bien sûr un crime de guerre".
Russes et Ukrainiens devaient néanmoins se retrouver vers 14H00 GMT, à la frontière polono-bélarusse, pour un troisième round de négociations consacré aux couloirs humanitaires. Les deux précédents rounds n'ont pas donné de résultats concrets.
Les couloirs humanitaires, dont le principe avait été négocié lors du deuxième round le 3 mars, sont notamment restés lettre morte. Deux tentatives d'évacuation ont ainsi échoué à Marioupol (sud-est), ville portuaire assiégée sur la mer d'Azov.
Une route d'évacuation de Marioupol était "minée", a indiqué lundi le directeur des opérations du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Dominik Stillhart, en soulignant la difficulté à "amener les deux parties à un accord qui soit concret, exploitable et précis".
- "Ca va aller maintenant" -
Après de violents bombardements dans la nuit de dimanche à lundi, les combats ont baissé temporairement en intensité en raison de "pertes énormes" côté russe, a affirmé le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov.
Mais les forces russes se préparent à une "nouvelle série d'attaques", a-t-il lancé. "En premier lieu Kiev, Kharkiv, Tcherniguiv (nord) et Mykolaïev (sud)", a-t-il précisé.
Dans la capitale Kiev, où l'offensive est attendue dans les prochains jours, la tension est maximale.
"La capitale se prépare à se défendre", a lancé le maire de Kiev et ancien champion de boxe Vitali Klitschko sur Telegram. "Kiev tiendra ! Se défendra ! Dressons-nous ensemble ! Gloire à l'Ukraine !", a-t-il clamé.
Les forces ukrainiennes se tiennent prêtes à détruire le dernier pont reliant Kiev à son arrière-pays à l'ouest pour freiner la progression des chars russes.
A Irpin, dans la banlieue de Kiev, un couloir humanitaire officieux a été mis en place, permettant à des milliers d'habitants de la ville tombée aux mains des Russes de fuir via un pont de fortune, puis une unique voie sécurisée par l'armée, les volontaires et un système de navettes.
Enfants, personnes âgées - certaines portées sur des tapis servant de brancard - et familles abandonnent poussettes, valises trop lourdes pour s'engouffrer dans les bus et camionnettes.
"Je suis si heureuse d'avoir réussi à passer, ca va aller maintenant", dit Olga, 48 ans, passée par la route d'évacuation avec ses deux chiens.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a aussi averti que la Russie se préparait à bombarder Odessa, port stratégique sur la mer Noire.
- Embargo sur le pétrole russe ?
Le ministre de l'Education Sergiy Shkarlet a précisé que 211 écoles avaient été endommagées dans les bombardements. La Britannique J.K. Rowling, autrice de la célèbre saga de romans jeunesse Harry Potter, a lancé de son côté un appel aux dons pour aider les enfants piégés dans des orphelinats, promettant d'apporter jusqu'à un million de livres sterling (1,2 million d'euros).
La diplomatie tente aussi de reprendre ses droits, avec une rencontre annoncée des ministres des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, ukrainien Dmytro Kouleba et de leur homologue turc Mevlüt Cavusoglu jeudi en Turquie. Kiev n'a cependant pas encore confirmé sa participation.
Mais les espoirs de succès sont minces, Vladimir Poutine continuant de poser comme condition préalable à tout dialogue l'acceptation par Kiev de toutes les exigences de Moscou, notamment la démilitarisation de l'Ukraine et un statut neutre pour le pays.
Le président américain Joe Biden s'entretiendra de son côté à 15H30 GMT avec Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz et le Premier ministre britannique Boris Johnson, alors que les Occidentaux réfléchissent à un possible embargo sur les exportations de pétrole russe.
L'Allemagne, très dépendante des hydrocarbures russes, s'oppose toutefois à un tel scénario. Ces importations sont "essentielles" pour la "vie quotidienne des citoyens" en Europe et l'approvisionnement du continent ne peut pas être assuré autrement à ce stade, a averti Olaf Scholz.
L'aggravation du conflit et ces nouvelles perspectives de sanctions ont continué de faire flamber les prix du pétrole. Le baril de Brent de la mer du Nord a frôlé les 140 dollars, proche du record absolu.
Dans la foulée, les Bourses de Tokyo et de Hong Kong ont chuté de 2,94% et 3,87%. En Europe, après avoir lâché 4% à l'ouverture, elles se sont ressaisies à l'approche du nouveau round de discussions russo-ukrainiennes.
Alors que la Russie est de plus en plus isolée sur la scène internationale, la Chine l'a assurée de son amitié, "solide comme un roc", et a esquissé des "perspectives de coopération future immenses".
Le gouvernement russe a établi de son côté une liste de pays "hostiles" à la Russie, auxquels les particuliers et les entreprises russes pourront rembourser leurs dettes en roubles, monnaie dont la valeur a perdu 45% depuis janvier.
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(A.Monet--LPdF)