Pétrole: l'Opep+ sous pression mais pas de changement en vue
Les pays producteurs de pétrole de l'Opep+, qui se réunissent jeudi, devraient encore maintenir leur stratégie d'ouverture très timide de leurs vannes d'or noir, malgré la pression occidentale pour calmer la volatilité des prix en pleine guerre en Ukraine.
Les treize membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), menés par Ryad, et leurs dix alliés conduits par Moscou vont probablement augmenter une nouvelle fois le niveau total de production de quelque 400.000 barils par jour pour le mois de mai, de l'avis des analystes.
"L'Opep+ a surpris les marchés à plusieurs reprises lors de ses réunions mensuelles, mais le scénario de base, pour l'instant, est que le statu quo sera maintenu", prévoit Stephen Innes, analyste chez SPI Asset Management.
"Les signaux ne laissent entrevoir aucune déviation" par rapport à la politique entamée au printemps 2021, poursuit-il.
Les débats de l'alliance débuteront par des discussions techniques au sein du Comité ministériel conjoint de suivi (JMMC) à 13H00 (11H00 GMT) à Vienne, siège du cartel, avant la rencontre plénière par visioconférence.
- Initiative américaine inédite -
Les attentes sont pourtant immenses, le pétrole ayant tutoyé le 7 mars ses records historiques de prix atteints lors de la crise financière de 2008, dépassant les 130 dollars le baril.
Depuis, les cours ont dévissé de leurs sommets, rendant "encore moins probable que l'Opep+ décide d'augmenter plus largement sa production", commente Carsten Fritsch, analyste pour Commerzbank.
Vers 08H55 GMT (10H55 à Paris), le Brent de la mer du Nord, référence de l'or noir en Europe, perdait 4,29% à 108,58 dollars le baril, quand le WTI américain cédait 5,38% à 102,02 dollars, réagissant à des informations de presse sur un possible recours massif et inédit aux réserves stratégiques américaines.
La Maison Blanche devrait annoncer jeudi un plan pour y puiser jusqu'à un million de barils par jour et tenter de calmer le marché, selon l'agence Bloomberg citant des sources proches du dossier.
"La nouvelle frappe le marché le jour même où l'Opep+ doit discuter de son plafond de production, et lui donne une raison de ne pas le relever", estime Bjarne Schieldrop, analyste chez Seb.
Pour l'alliance qui a vu le jour en 2016 dans l'optique d'une régulation du marché, la récente flambée "est principalement due à des risques géopolitiques, et non à une réelle pénurie de l'offre", rappelle-t-il.
La guerre a fait craindre des ruptures d'approvisionnement en pétrole russe et provoqué une volatilité extrême, les cours s'envolant au gré des nouvelles de sanctions occidentales contre Moscou, ou retombant avec l'espoir d'avancées des négociations de paix.
- Appels de toutes parts -
Les appels de la communauté internationale se sont pourtant multipliés, notamment après la décision des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne d'arrêter d'importer du pétrole de Russie, deuxième plus grand exportateur de brut au monde derrière l'Arabie saoudite.
Le ministre allemand de l'Économie, Robert Habeck, avait lancé le lendemain aux pays exportateurs un "appel urgent à augmenter le niveau de production pour soulager le marché".
L'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui avait déjà qualifié de "décevantes" les décisions attentistes du cartel, a également exhorté l'Opep+ à être "du bon côté".
Même message du côté des pays du G7, tandis que le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est rendu à Ryad pour tenter de convaincre les dirigeants de l'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis.
Mais rien n'y fait: les pays du Golfe résistent pour le moment aux demandes occidentales.
L'alliance Opep+, loin d'être déstabilisée par le conflit, apparaît plus solide que jamais. Elle est "là pour rester", a déclaré lundi le ministre émirati de l'Energie Suhail al-Mazrouei, déterminé à ne pas laisser "la politique" miner l'organisation.
Le ministre saoudien de l'Energie Abdulaziz ben Salmane a réitéré mardi son attachement à l'Opep+, arguant que si l'accord "n'existait pas, nous ne pourrions pas avoir de stabilité sur le marché de l'énergie" et "la volatilité des prix serait encore pire".
S'il a défendu la "culture" apolitique de l'Opep+, selon de nombreux experts, une intervention saoudienne sur les marchés serait perçue comme une trahison envers la Russie, l'empêchant d'user de ses exportations d'hydrocarbures pour faire pression sur les Occidentaux.
(O.Agard--LPdF)