Référendum au Mexique: le président gagne son pari, faible participation
Pari gagné, sur fond d'abstention: le président du Mexique, Andres Manuel Lopez Obrador, va rester au pouvoir après un référendum dimanche où les Mexicains ont largement validé la poursuite de son mandat, mais avec une participation inférieure à 20%.
Plus de 90% des votants ont souhaité que le leader de gauche nationaliste, 68 ans, aille jusqu'à la fin de son mandat unique de six ans en 2024, d'après les premières estimations de l'Institut national électoral (INE).
L'INE a également annoncé une fourchette de participation de 17-18,2% des 93 millions d'inscrits.
La loi prévoit un seuil de 40% pour que le résultat de ce type de référendum contraigne les pouvoirs en place.
En d'autres termes, même si le "non" l'avait emporté, le président n'était pas légalement obligé de démissionner avec un taux de participation largement inférieur à 40%.
Le parti du président Mouvement pour la régénération nationale (Morena) a salué "un résultat tranchant en faveur de notre président".
"Les gens ont reconnu son engagement en faveur de ceux qui en ont le plus besoin, l'énorme autorité morale avec laquelle il gouverne", a déclaré un des chefs de file de Morena, Mario Delgado.
Trois partis d'opposition avaient appelé à l'abstention (PAN, de droite, PRD de gauche et l'ancien parti-Etat du PRI).
Le PAN a évoqué une consultation populaire marquée "par l'illégalité, le mensonge et le détournement des ressources publiques".
Le PRI a accusé Morena d'avoir transformé le référendum en "plaisanterie", selon l'un de ses responsables sur Twitter, Alejandro Moreno.
"Nous savions que nous n'allions pas révoquer le mandat du président et que les opposants n'allaient pas voter", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Hernán Gómez Bruera. "L'enjeu était la capacité de mobilisation de Lopez Obrador et de ses partisans. Nous avons vu que cette capacité était forte".
Les Mexicains devaient répondre à la question suivante: "Etes-vous d'acord pour révoquer le mandat du président pour perte de confiance, ou pour qu'il continue à la présidence de la République jusqu'à la fin de son terme?".
Le président avait lui-même inscrit dans la Constitution en 2019 ce "mandat révocatoire", sur le modèle d'autres pays latino-américains comme le Venezuela.
"Que personne n'oublie que c'est le peuple qui commande", a-t-il déclaré en votant à l'ouverture des quelque 57.000 bureaux de vote du pays.
AMLO - ses initiales, son surnom - a glissé dans l'urne un bulletin barré de la mention manuscrite "Vive Zapata!", un héros de la Révolution mexicaine (1910-17), ont constaté les journalistes.
Des files d'attente se sont formées dans certains bureaux de vote. "Pourquoi venir aujourd'hui? Parce que j'apprécie le président, et puisqu'il me le demande, me voici", a déclaré à l'AFP Carmen Sobrino, une femme au foyer de 64 ans.
Mayra Marruenda, 29 ans, pensait s'abstenir la veille du vote. "En vérité, je crois qu'il nous a tous déçus. Je pense que c'est un jeu, une manipulation, et je ne pense pas y participer".
Des opposants soupçonnent AMLO de vouloir s'appuyer sur un plébiscite pour envisager une réélection, un tabou politique au Mexique depuis le "Porfiriato" : le président Porfirio Diaz - un dictateur pour certains historiens - était resté au pouvoir pendant près de 30 ans de 1884 à 1911, avant son exil et sa mort à Paris.
Le président a lancé quelques grands chantiers en gestation d'ici 2024.
Le Parlement examine en commission ces jours-ci une réforme du secteur de l'électricité qui veut renforcer l'entreprise publique CFE et revenir sur la libéralisation du secteur en 2013.
Les Etats-Unis dénoncent un danger pour leurs investisseurs et agite la menace de "litiges sans fin" dans le cadre du traité de libre-échange d'Amérique du Nord.
AMLO a également confié à l'armée la gestion des grands chantiers comme un train touristique Maya, contre lequel des défenseurs de l'environnement multiplient les recours en justice.
En trois ans, le gouvernement d'AMLO a considérablement augmenté le salaire minimum, tout en maintenant une politique d'austérité budgétaire en pleine pandémie qui a fait près de 325.000 morts. Le Mexique a été l'un des seuls grands pays à maintenir ses frontières ouvertes, sans restrictions.
Moins de 8% des Mexicains s'étaient déplacés en août pour un précédent référendum sur d'éventuelles poursuites judiciaires envers plusieurs prédécesseurs du chef de l'Etat.
(F.Moulin--LPdF)