Au procès du 13-Novembre, Abdeslam affirme avoir renoncé à se faire exploser dans un café
Au procès du 13-Novembre, Salah Abdeslam a, pour la première fois, indiqué mercredi que son "objectif" était de se faire sauter le soir du 13-Novembre dans un café du 18e arrondissement dans le nord de Paris mais qu'il avait renoncé à le faire après avoir regardé les gens autour de lui.
"L'objectif qu'on m'a donné était de me rendre dans un café du 18e. Je vais rentrer dans ce café, je vais commander une boisson, je vais regarder les gens autour de moi et je me suis dit +Non, je vais pas le faire+", a dit le seul membre encore en vie des commandos lors de son dernier interrogatoire devant la cour d'assises spéciale de Paris.
Cet aveu du principal accusé a résonné comme un coup de tonnerre dans la salle d'audience. Salah Abdeslam avait fait usage de son droit au silence lors de son dernier interrogatoire.
Il est 18H15 quand le président lui demande de se lever dans le box. Salah Abdeslam, polo rayé bleu et blanc et gilet sombre sur le dos, explique d'emblée qu'il avait renoncé à parler parce qu'il ne "se sentait pas écouté".
"Depuis le début, on veut pas voir la personne que je suis vraiment", déplore-t-il avant d'annoncer qu'il allait s'exprimer car "c'est la dernière fois que j'aurai l'occasion de le faire". Un soupir de soulagement se fait entendre dans la salle d'audience.
- "Un choc pour moi" -
Salah Abdeslam soutient avoir été mis au courant d'un projet d'attentat à Paris le 11 novembre après une rencontre avec Abdelhamid Abaooud à Charleroi (Belgique). Jusque là, dit-il, il pensait partir pour la Syrie.
Lors de la rencontre de Charleroi, Abaaoud ne lui donne pas le détail des cibles mais lui explique qu'il devra porter une ceinture explosive.
"C'était un choc pour moi mais il va finir par me convaincre, je vais finir par accepter et dire : +Ok, je vais y aller".
Après voir renoncé à son projet meurtrier, il raconte avoir pris sa voiture et roulé au hasard dans Paris. "A un moment, la voiture est tombée en panne (...) Je suis descendu du véhicule et j'ai marché", raconte Salah Abdeslam soulignant que ses souvenirs de ce moment-là sont "confus".
Le président Jean-Louis Périès tente d'obtenir des détails. "Je suis au courant que de ce que je vais faire moi", se contente de répondre l'accusé. "Mon frère, il avait une ceinture, une kalachnikov, je sais qu'il va tirer, je sais qu'il va se faire exploser mais je connais pas les cibles".
"Vous saviez que c'était des terrasses, une salle de concert ?", tente le président. "Non, non", répond Abdeslam. Pour le Stade de France, "ce que je sais c'est que (les assaillants) doivent faire leur attaque, que je dois les déposer et après partir pour ma mission", assure-t-il.
- "Version hollywoodienne" -
Avant lui, son "pote" Mohamed Abrini avait affirmé que Salah Abdeslam n'avait "pas osé le faire, c'est tout".
Mohamed Abrini, qui a accompagné "le convoi de la mort" jusqu'à la région parisienne, est rentré le 13 novembre 2015 au petit matin à Bruxelles, rejoignant une planque de la cellule jihadiste.
C'est dans cette cache qu'il assiste au retour de Salah Abdeslam le lendemain des attentats qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis.
"Il était épuisé, fatigué, il avait le teint pâle, il était blanc", décrit Mohamed Abrini. "Je dis la vérité, moi j'étais très content de le voir", poursuit-il.
Selon Mohamed Abrini, Salah Abdeslam se fait alors "engueuler" par l'un des organisateurs des attentats. "Il lui a dit: +Pourquoi t'as pas pris un briquet ou une clope pour te faire exploser !+"
"Je ne souhaite pas m'exprimer sur cette scène", mais Mohamed Abrini "il ne dit pas que des bêtises", soulignera plus tard en souriant Salah Abdeslam.
"Je pense qu'il leur a dit que sa ceinture n'avait pas fonctionné", assure Mohamed Abrini. "Moi, je crois pas à cette version-là. C'est la version hollywoodienne que les médias veulent nous servir".
A la fin de son interrogatoire mercredi, Ali Oulkadi, qui est jugé pour avoir aidé Salah Abdeslam à son retour à Bruxelles le 14 novembre, a vivement interpellé ce dernier, l'accusant d'avoir "gâché (sa) vie".
"Si t'avais pas décidé de m'appeler ce jour-là, je ne serais pas ici. C'est des vies qui ont été gâchées pour rien", a-t-il lâché à la barre, au bord des larmes.
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(C.Fournier--LPdF)