Loin de la ligne de front, les Ukrainiens se démènent pour aider
Dans un entrepôt plein à craquer en Ukraine, Roman Kolobotchok a pour mission de trouver à son ami, qui combat sur la ligne de front, un viseur destiné aux tireurs d'élite.
Au milieu d'étagères où affluent des dons venus du monde entier, le jeune homme de 35 ans, membre du mouvement scout, annonce qu'il va commander la lunette téléscopique depuis les Etats-Unis.
Avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février, M. Kolobotchok était responsable de la section "souvenirs" d'une chaîne de restaurants. Il a aussi souvent voyagé aux Etats-Unis pour transporter des embryons, des échantillons de sperme et des ovocytes, au profit d'une clinique pour mères porteuses.
En temps de guerre, chacun doit contribuer avec son plus grand talent. Et son talent à lui, affirme-t-il, est d'être un "grand débrouillard".
Il a ainsi demandé à ses patrons de lui octroyer un coin de leur entrepôt à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, loin des combats.
Avec d'autres logisticiens improvisés, il trie les messages demandant de l'aide à travers le pays puis se met à la recherche des objets demandés.
Sur les étagères reposent des sacs de couchage, des tentes, mais aussi de la farine, des boissons caféinées, des gants chirurgicaux et du savon. Dans une autre section, celles des médicaments, de l'insuline attend dans un réfrigérateur.
- Collectes sur internet -
Ces derniers jours, les bénévoles ont envoyé des colis à Kirev, à Kharkiv (est) et à Mykolaïv, près de la mer Noire, explique M. Kolobotchok.
Et la demande se fait de plus en plus urgente pour des lunettes de vision nocturne, des navigateurs GPS et des rations alimentaires de l'armée, qu'ont rejoint plus de 50 scouts.
Les dons, eux, continuent à affluer. Les scouts d'Espagne ont envoyé des camions entiers emplis d'équipement à Lviv. Un Américain vivant au Texas a même posé des congés pour acheminer cent trousses de soins de premier secours de Philadelphie jusqu'à l'un des aéroports de New York.
Et en quelques jours, les bénévoles ukrainiens ont réuni suffisamment d'argent pour acheter un drone.
"Le monde nous soutient", assure M. Kolobotchok.
Dans un autre entrepôt à Lviv, Anastasia Sokhatska, 26 ans, elle aussi scoute, se tient au milieu de bouteilles d'eau, bottes militaires, drapeaux ukrainiens, filets de camouflage faits maison et de tronçonneuses.
Quand l'armée a besoin de quelque chose, dit-elle, elle organise avec d'autres volontaires des cagnottes sur les réseaux sociaux puis s'assure que le colis est bien réceptionné.
"J'ai besoin d'aider. C'est mon pays", confie celle qui travaillait auparavant dans le secteur informatique. "Je ne peux pas ne rien faire".
Être une femme en temps de guerre est un avantage, assure la jeune Ukrainienne. Elle peut ainsi passer la frontière toute proche avec la Pologne puis revenir sans souci, la voiture chargée de dons et équipements.
Les hommes âgés de 18 à 60 ans ont l'interdiction de quitter le territoire, pouvant être appelés sous les drapeaux.
- Dormir dans un théâtre -
Les scouts ne sont pas les seuls à s'activer derrière la ligne de front.
Lorsque des milliers d'Ukrainiens se sont réfugiés à Lviv, ville pour l'instant épargnée par les bombardements russes, tous se sont mobilisés pour les aider.
Au théâtre Les Kurbas, dans le centre, l'actrice et chanteuse Natalia Rybka-Parkhomenko a transformé la grande scène en un immense dortoir où plus d'une dizaine de personnes ont pu dormir après avoir fui Kharkiv (nord-est), cible de frappes quotidiennes de l'armée russe.
Dans un autre abri accueillant des centaines de déplacés, Dacha Bondarenko, 19 ans, étudiante en vétérinaire, aide les nouveaux arrivants à s'installer et à trouver des habits propres.
Spécialiste en organisation de mariages et à la tête d'une compagnie de taxi, Pavlo Bodnar, 29 ans, n'a pas pu intégrer l'armée. Qu'à cela ne tienne, il offre désormais des trajets gratuits aux personnes fuyant la guerre, ou à ceux revenant de l'étranger, lorsqu'ils arrivent à Lviv après le début du couvre-feu.
Lui et d'autres volontaires sont parvenus à obtenir des laissez-passer alors que toute circulation par véhicule privé est interdite entre 22H00 à 06H00 locales (19H00 à 03H00 GMT).
Ils ont maintenant toute une "équipe qui peut transporter des gens" la nuit, assure-t-il.
(H.Duplantier--LPdF)