Venezuela: l'armée, alliée de poids du président Maduro
Le président du Venezuela Nicolas Maduro, engagé dans un bras de fer avec l'opposition et une partie de la communauté internationale qui contestent sa réélection, peut compter sur le soutien d'une armée puissante et loyale.
Dotée d'un nombre d'hommes similaire à celui de l'armée du Mexique pourtant quatre fois plus peuplé, équipée par la Russie, la Fuerza Armada Nacional Bolivaria (FANB) n'a cessé de gagner en influence politique et économique depuis 25 ans.
Le ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino, a donné des gages de fidélité dès le surlendemain de la présidentielle dont M. Maduro a été proclamé officiellement vainqueur.
"Nous réaffirmons notre loyauté la plus absolue et notre soutien inconditionnel au citoyen Nicolas Maduro Moros, président constitutionnel (...) notre commandant en chef légitimement réélu par le pouvoir populaire", a écrit le général Padrino précisant que l'armée agirait "avec force" pour "préserver l'ordre intérieur".
Et dès les premières manifestations spontanées de lundi dernier pour dénoncer des fraudes lors du scrutin, la Garde nationale bolivarienne (GNB), force militaire chargée de l'ordre public, a participé à la répression et au maintien de l'ordre.
"Chavez vit", s'époumonent encore aujourd'hui les militaires vénézuéliens en hommage à Hugo Chavez, président élu en 1999 et décédé en 2013.
Ancien lieutenant-colonel, Chavez avait particulièrement choyé l'armée, lui confiant des postes clé dans l'administration et l'économie, et octroyant le droit de vote aux militaires dans la nouvelle Constitution de 1999.
Dauphin désigné de Chavez, le président Nicolas Maduro qui lui a succédé en 2013, a été plus loin en permettant à de nombreux officiers de s'enrichir, selon l'opposition et des experts.
Outre les armes, les forces armées contrôlent aujourd'hui les sociétés minières, pétrolières et de distribution alimentaire, ainsi que les douanes et 12 des 34 ministères, dont des portefeuilles importants tels que le Pétrole, la Défense, l'Intérieur ou le Commerce.
"La force armée nationale bolivarienne me soutient, elle est chaviste, elle est bolivarienne, elle est révolutionnaire", a réaffirmé cette semaine M. Maduro.
- torture de soldats -
Le candidat de l'opposition Edmundo Gonzalez Urrutia a beau avoir courtisé les militaires début juillet dans une lettre ouverte appelant à "respecter et faire respecter (la) volonté souveraine" du peuple.
Il misait sur des fissures annoncées par certains dans le soutien de l'armée au pouvoir pour changer le rapport de force. En vain.
"Il est très difficile de comprendre" ce qui se passe au sein des forces armées, souligne Laura Dib, directrice du programme Venezuela au sein du groupe de réflexion sur les droits de l'homme WOLA. "Car à chaque fois qu'un membre de l'armée s'est rebellé contre Maduro, la répression et la persécution ont été implacables".
"Nous connaissons des soldats qui ont été torturés. Pour faire un exemple et envoyer le message que s'ils se retournent contre le gouvernement, c'est ce qui leur arrivera", ajoute Mme Dib.
Selon les organisations de défense des droits de l'homme, des dizaines de militaires (149 au 1er juillet) sont détenus pour des motifs politiques, le plus souvent pour conspiration, et trois d'entre eux sont morts en prison.
Les forces armées vénézuéliennes comptaient 343.000 hommes en 2020, selon l'Institut international d'études stratégiques (IISS), un chiffre comparable au Mexique.
Après avoir été pendant des décennies équipé de matériel américain, le Venezuela a changé de camp sous Chavez, se fournissant chez la Russie, notamment en avions Sukhoi et fusils Kalachnikov. Début juillet, deux navires militaires russes ont notamment visité La Guaira, le port de Caracas.
"Maduro n'a pas le leadership militaire en tant que tel. Il a conquis les forces armées à coup de privilèges, de promotions et de création de nouveaux postes", estime le général à la retraite Antonio Rivero, critique du chavisme en exil aux Etats-Unis.
"Les militaires de haut rang sont devenus incroyablement puissants (...) et certains sont impliqués dans des affaires illicites, voire les dirigent", estime aussi Rebecca Hanson, professeure au Centre d'études latino-américaines de l'Université de Floride. "Ils ont beaucoup à perdre si Maduro tombe".
Près de 50 hauts fonctionnaires, en activité ou à la retraite, figurent d'ailleurs sur la liste des sanctions américaines.
Les premiers ont été inclus en 2008 pour des liens présumés avec la guérilla colombienne. Par la suite, d'autres ont été accusés de trafic de drogue et, plus récemment, de violations des droits humains.
(R.Dupont--LPdF)