Le Pays De France - Pour des femmes afghanes, le voile intégral c'est comme la prison

Paris -
Pour des femmes afghanes, le voile intégral c'est comme la prison
Pour des femmes afghanes, le voile intégral c'est comme la prison / Photo: © AFP

Pour des femmes afghanes, le voile intégral c'est comme la prison

Tahmina Taham, une jeune militante féministe afghane, a l'impression de se retrouver en prison après l'annonce par les talibans que les femmes doivent désormais se couvrir intégralement le corps et le visage en public, et éviter de sortir de chez elles.

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Le gouvernement a publié samedi un décret, approuvé par le chef suprême des talibans et de l'Afghanistan, Hibatullah Akhundzada, rendant obligatoire pour les femmes le port du voile intégral en public.

Les talibans ont précisé que leur préférence allait à la burqa, ce voile intégral le plus souvent bleu et grillagé au niveau des yeux, mais que d'autres types de voile ne laissant apparaître que les yeux seraient tolérés.

Ils ont aussi estimé qu'à moins que les femmes n'aient de raison pressante de sortir, il était "mieux pour elles de rester à la maison".

Quand elle a appris le contenu de ce décret, le premier portant sur la manière de se vêtir des femmes promulgué à l'échelon national, Tahmina s'est "sentie mal".

"J'ai eu l'impression d'être emprisonnée, parce que toute ma vie sociale est contrôlée par les talibans", explique à l'AFP cette ancienne employée gouvernementale qui a perdu son travail à l'arrivée des talibans au pouvoir en août.

A ses yeux, la décision de samedi "aura des conséquences très négatives sur la vie personnelle et professionnelle des femmes".

- Radicalisation des talibans -

Dimanche, ce décret ne semblait pas immédiatement suivi d'effet à Kaboul, nombre de femmes continuant à marcher dans les rues de la capitale sans masquer leur visage.

Les talibans ont justifié le fait pour les femmes de devoir se cacher le visage quand elles sont en compagnie d'un homme n'appartenant pas à leur famille proche par la nécessité d'éviter toute "provocation", conformément à leur interprétation ultra-rigoriste de la charia, la loi islamique.

Mais pour Azita Habibi, sage-femme dans un hôpital de la grande ville d'Hérat (Ouest), l'islam n'exige pas le port d'un voile intégral.

"Pourquoi devons-nous couvrir le visage et les mains?", demande-t-elle. "Où est-il écrit que les mains et le visage des femmes devraient être couverts?"

Ces nouvelles restrictions, dénoncées notamment par l'ONU et les Etats-Unis, confirment la radicalisation des talibans, qui avaient initialement tenté de montrer un visage plus ouvert que lors de leur précédent passage au pouvoir entre 1996 et 2001.

Ils avaient alors privé les femmes de presque tous leurs droits, leur imposant notamment le port de la burqa.

Mais les islamistes ont rapidement renié leurs engagements, excluant largement les femmes des emplois publics, leur interdisant l'accès à l'école secondaire ou encore restreignant leur droit à se déplacer.

- Pression sur les familles -

Pour mettre en oeuvre leur dernier décret, les talibans ont veillé à ne pas punir les femmes elles-mêmes, pour ne pas choquer plus la communauté internationale, mais à faire peser la charge de ce contrôle social sur leur famille.

Les chefs de famille qui ne feraient pas respecter le port du voile intégral encourent d'abord trois jours de prison, puis des peines supérieures.

"J'en suis arrivée à la conclusion que je devais porter le hijab, parce que je ne veux pas que les hommes de ma famille soient punis et déshonorés", indique Laila Sahar (nom d'emprunt), une ancienne employée d'ONG habitant à Kaboul.

Hoda Khamosh, une militante désormais basée en Norvège, estime que les femmes seront probablement forcées d'accepter le voile intégral, car "les talibans très intelligemment utilisent (leur) point faible", avec leur famille.

Mais elle pense que les femmes, dont certaines ont manifesté pour leurs droits ces derniers mois avant que leur mouvement ne soit réprimé par les talibans, "n'accepteront pas de rester à la maison ou d'arrêter de travailler".

Ces deux dernières décennies, les Afghanes avaient acquis des libertés nouvelles, retournant à l'école ou postulant à des emplois dans tous les secteurs d'activité, même si le pays est resté socialement conservateur.

Fatima Rezaie, une habitante d'Hérat, veut aussi croire que les femmes ne se laisseront pas dicter leur conduite.

"Les femmes ne sont plus les mêmes qu'il y a 20 ans", quand elles étaient systématiquement contraintes à faire les choses contre leur volonté, fait-elle valoir. Aujourd'hui, elles sont "prêtes à se lever pour défendre leurs droits".

(C.Fontaine--LPdF)