Royaume-Uni: sous pression avant le budget, la ministre des Finances tente d'arrondir les angles
Après des semaines à agiter le spectre d'un premier budget "douloureux" fin octobre, la nouvelle ministre des Finances du Royaume-Uni, Rachel Reeves s'est efforcée d'arrondir les angles lundi lors d'un discours devant le parti travailliste.
Cette intervention attendue a été prononcée dans un contexte sensible pour son camp, accusé d'alimenter la morosité ambiante avec des promesses d'austérité, mis sous pression par les syndicats et pris dans le feu du scandale des "freebies", ces cadeaux reçus par le Premier ministre Keir Starmer et plusieurs de ses ministres, qui font polémique au Royaume-Uni.
"Il n'y aura pas de retour à l'austérité", a promis Mme Reeves devant le congrès annuel travailliste, promettant que son "optimisme pour la Grande-Bretagne" était "plus vif que jamais".
Pour rassurer, elle a promis que son budget, qui sera présenté le 30 octobre, ne comprendra pas de hausse d'impôts pour les travailleurs, ni sur les sociétés.
Elle a pourtant confirmé lundi une extension de la taxe sur les profits exceptionnels des entreprises énergétiques et l'introduction de la TVA sur les frais de scolarité des écoles privées.
Elle a aussi promis d'accroître la lutte contre l'évasion fiscale et de s'attaquer aux entreprises qui ont indument profité des aides liées au Covid.
- Discours interrompu -
"Il s'agira d'un budget avec une réelle ambition. Un budget pour réparer les fondations. Un budget pour apporter le changement que nous avons promis", a-t-elle insisté.
Reste que la ministre doit aussi faire face aux réalités économiques de son pays, à commencer par une énorme dette publique, inédite depuis les années 1960, équivalente à son PIB annuel.
Et elle n'a pas caché que le gouvernement fera preuve d'une discipline de fer sur ses finances afin, dit-elle, de "poser les bases d'une croissance durable".
Dès leur arrivée au pouvoir en juillet, les travaillistes ont rapidement blâmé 14 années de gouvernements conservateurs pour un "trou noir" de 22 milliards de livres dans les comptes, Keir Starmer promettant des "décisions douloureuses" dans le budget.
Première d'entre elles: la suppression annoncée durant l'été d'un chèque énergie pour des millions de retraités, qui a mis les syndicats vent debout.
Ces derniers, qui contribuent largement au financement du parti travailliste et participent au congrès, comptent mettre la pression avec un vote non contraignant sur la mesure, qui pourrait avoir lieu mercredi.
D'anciens syndicalistes prévoyaient de manifester devant le centre de conférence à l'heure du discours.
Celui-ci a finalement été interrompu par un jeune militant écologiste opposé à la vente d'armes britanniques à Israël, rapidement maîtrisé au milieu de la salle.
- "Un peu étrange" -
Le discours de Mme Reeves doit permettre de rassurer une population britannique de plus en plus inquiète: le moral des ménages a plongé, selon un indice de référence de l'institut GfK.
De son côté, le milieu des affaires britannique s'inquiète plus que jamais des hausses d'impôts.
La ministre n'a en revanche pas dit mot dans son discours du scandale des "freebies", ces cadeaux reçus par les membres du gouvernement, qui empoisonne le congrès travailliste, prévu jusqu'à mercredi.
Rachel Reeves a admis avoir reçu pendant la campagne des milliers de livres de vêtements de la part d'une amie donatrice du parti travailliste, Juliet Rosenfeld.
M. Starmer a quant à lui reçu pour plus de 100.000 livres sterling de cadeaux depuis décembre 2019 (vêtements, lunettes, places pour des concerts ou des matchs de foot) dont le principal donateur est le multimillionnaire Waheed Alli, membre travailliste de la chambre des Lords.
"Je peux comprendre que pour beaucoup de gens, cela semble un peu étrange", avait reconnu Mme Reeves lundi sur Times Radio, promettant que les responsables travaillistes n'accepteraient plus de dons de vêtements maintenant qu'ils sont au pouvoir.
Mais "du moment que les choses sont déclarées correctement" pour éviter les conflits d'intérêts, "je pense que c'est acceptable d'aller voir un match de foot ou un concert de pop. Je ne reproche pas aux gens de faire ça", a-t-elle ajouté.
(R.Lavigne--LPdF)