Le Pays De France - Au Brésil, des caméras-piétons pour réduire les violences policières

Paris -
Au Brésil, des caméras-piétons pour réduire les violences policières
Au Brésil, des caméras-piétons pour réduire les violences policières / Photo: © AFP/Archives

Au Brésil, des caméras-piétons pour réduire les violences policières

À Rio de Janeiro, où les accusations de violences policières et de bavures sont monnaie courante dans les favelas, les agents vont porter des caméras fixées sur leur uniformes, un système qui a déjà fait ses preuves au Brésil sans être pour autant la "panacée" selon les experts.

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La police brésilienne est l'une de celles qui tue le plus au monde, avec plus de 6.100 morts en 2021, soit 17 par jour en moyenne, selon le décompte du moniteur de la violence du site d'informations G1, en partenariat avec l'université de Sao Paulo (USP) et l'ONG Forum de sécurité publique.

Le nombre de policiers tués est également très élevé: 183 l'an dernier.

"La police est très peu transparente au Brésil. Quand il y a un mort lors d'une fusillade, la version la plus courante est +nous avons été attaqués et nous avons dû riposter+. Il est rare que les agents doivent vraiment rendre des comptes", explique César Munoz, de l'antenne brésilienne de Human Rights Watch.

"Les caméras-piétons peuvent être utiles aussi bien pour surveiller les policiers que pour les protéger d'accusations infondées", souligne ce spécialiste.

De 6 à 8 cm de long, ces caméras rectangulaires fixées sur l'uniforme au niveau de la poitrine sont déjà utilisées dans les Etats de Sao Paulo (sud-est) et Santa Catarina (sud), avec de premiers résultats encourageants.

Selon les chiffres officiels, le nombre d'épisodes violents impliquant des policiers a chuté de 87% depuis l'utilisation des caméras, qui s'est généralisée depuis 2021.

À Santa Catarina, ce dispositif est employé depuis 2019, avec une réduction de 60% de l'usage de la force par les agents.

- Un oeil sur Jacarezinho -

À Rio de Janeiro, 8.000 caméras-piétons seront utilisées prochainement pour les patrouilles dans certaines zones, du quartier chic de Copacabana aux favelas de Maré ou Jacarezinho.

Il y a un an, Jacarezinho a été le théâtre de l'opération policière la plus sanglante de l'histoire de Rio, avec 27 "suspects" et un agent tués dans un raid visant des narcotrafiquants.

Avec des caméras sur les uniformes "on aurait plus élucidé" les circonstances de la plupart des décès, "dans certains cas, en faveur des policiers", a expliqué au site G1 le procureur André Cardoso, qui a mené les enquêtes ayant débouché sur la mise en accusation de quatre agents et deux narcotrafiquants. Dix des 13 enquêtes ont été classées sans suite.

"C'est souvent un vrai casse-tête pour reconstituer la scène. Si on a des images, c'est beaucoup plus simple d'obtenir des preuves", a-t-il ajouté. Selon lui, l'usage des caméras-piétons est "indispensable".

Ces caméras permettraient également de corroborer d'autres dénonciations d'habitants des favelas de Rio contre les policiers, notamment les violations de domicile, avec des vols ou déprédations d'objets.

Une habitante de Jacarezinho a d'ailleurs réussi à prouver l'intrusion d'agents chez elle grâce à une caméra cachée installée dans son salon.

- Questions de protocoles -

Mais "les caméras ne sont pas la panacée", prévient César Munoz, qui préconise notamment davantage de formations et de soutien psychologique pour les policiers, et la garantie d'expertises indépendantes.

Selon lui, dans les cas de bavures présumées, les expertises sont souvent menées par la police elle-même. Avec le risque de manipulations de preuves, les corps pouvant être déplacés pour appuyer la thèse de la légitime défense.

D'autres pays d'Amérique latine utilisent des caméras-piétons, comme le Mexique, pour lutter contre la corruption des policiers, ou le Chili, pour surveiller notamment les abus dans la répression de manifestations.

Au Brésil, le succès dépendra surtout de la façon dont les caméras sont utilisées.

"Sont-elles allumées 24 heures sur 24 ? Qui décide de les allumer ou non ? Qui surveille les enregistrements ? Comment protéger la vie privée des agents ?", s'interroge Melina Risso, de l'institut Igarapé, spécialiste en sécurité.

À Sao Paulo, par exemple, l'activation d'un système à faible définition et sans son est automatique dès que le policier commence sa journée de travail. L'agent doit activer lui-même un système à haute définition et avec enregistrement sonore quand il est appelé en intervention.

La police de Rio a pour sa part expliqué que l'activation des caméras serait automatique et que les images seraient conservées durant 90 jours.

(H.Leroy--LPdF)