Immigration, politique pénale... Retailleau déjà clivant au sein de la coalition au pouvoir
Passe d'armes avec le garde des Sceaux, mise en garde de la présidente de l'Assemblée... Une partie de la coalition au pouvoir, comme la gauche, monte au front contre le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau qui veut appliquer sa ligne à droite toute sur l'immigration et la politique pénale.
A peine nommé, M. Retailleau, qui a martelé lors de sa passation de pouvoirs lundi avec Gérald Darmanin son intention de "rétablir l'ordre", a tenu à montrer qu'il "n'était pas là pour faire semblant".
Dès lundi soir, l'ancien chef de file du groupe Les Républicains (LR) au Sénat est allé sur les plates-bandes du ministre de la Justice en appelant à "changer une politique pénale qui, depuis très longtemps, a laissé s'installer ce droit à l'inexécution des peines"."
"Il faut que les peines prononcées soient des peines aussi exécutées. Il faut construire des prisons. Ce n'est pas mon domaine mais j'en parlerai très librement avec Didier Migaud", le nouveau ministre de la Justice.
Réplique immédiate de l'ancien socialiste: "il (M. Retailleau) doit savoir que la justice est indépendante dans notre pays" et "ça n'est pas toujours exact" de prétendre que "la justice est lente ou ne condamne pas suffisamment".
La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a relativisé ce que M. Retailleau a appelé lui-même de "grand classique" entre Intérieur et Justice. "On n'est pas un gouvernement de clones. C'est normal qu'il y ait des échanges. Chacun est dans son rôle", a-t-elle plaidé.
Mais mardi matin, c'est la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, à l'aile gauche du camp présidentiel, qui est montée au créneau sur l'exécution des courtes peines.
"Si c'est pour aller incarcérer ces personnes dans des maisons d'arrêt surpeuplées à 180% de détention, ça ne marchera pas" pour prévenir la récidive et favoriser la réinsertion, a-t-elle prévenu, mettant en garde contre toute "caricature" sur la justice des mineurs.
- contournement du Parlement -
Autre sujet qui pourrait mettre le feu, l'intention de réformer l'aide médicale d'Etat (AME) aux étrangers en situation irrégulière, une antienne de la droite et l'extrême droite car cela ferait "de la France le pays le plus attractif d'Europe" pour les migrants, selon M. Retailleau.
L'AME "n'est pas un sujet d'attractivité pour l'immigration mais un enjeu de santé publique", lui a répliqué la députée Agnès Firmin Le Bodo, éphémère ministre de la Santé et membre du parti Horizons d'Edouard Philippe.
La gauche est elle aussi montée au créneau. Pour le patron du PS Olivier Faure, cette fermeté sur l'immigration relève d'"effets de manche".
Les responsables des Insoumis Mathilde Panot et des Ecologistes Marine Tondelier ont estimé que le ministre de l'Intérieur devait être qualifié de "raciste" pour certaines de ses déclarations passées, notamment lorsqu'il critiquait les "Français de papier" à propos des jeunes issus de l'immigration qui n'auraient selon lui pas d'attachement à la France.
Mme Braun-Pivet a également mis en garde le ministre de l'Intérieur contre un "contournement" du Parlement si le gouvernement choisissait de réformer l'AME par décrets, comme l'envisage le nouveau ministre.
"Je serai très attentive à cela. J'entends que le gouvernement respecte le Parlement dans toutes ses prérogatives", a-t-elle insisté.
"Il n'y a pas de contournement, il y a la Ve République, il y a différents articles qui renvoient au domaine législatif ou au domaine réglementaire", a répondu M. Retailleau.
Toutes ces questions seront abordées à un séminaire gouvernemental vendredi préalable à la déclaration de politique générale de Michel Barnier le 1er octobre devant le Parlement.
Le Premier ministre, qui a participé mardi matin à la conférence des présidents qui fixe l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, doit y préciser ses intentions, notamment en matière de réduction des dépenses et de fiscalité.
Mme Braun-Pivet a souligné cependant qu'il n'y avait pas que le budget. Elle a plaidé pour que le texte sur la fin de vie soit "réexaminé avant la fin de l'année", alors que l'Assemblée n'avait pu le voter en raison de la dissolution.
Mais le gouvernement compte nombre d'opposants à ce texte, qui avait déjà mis plus d'un an à éclore, au premier rang desquels... Bruno Retailleau.
(A.Laurent--LPdF)