Retailleau, impôts: Barnier sous l'étroite surveillance de ses alliés à la veille de sa déclaration de politique générale
Michel Barnier mettait lundi la dernière main à son discours de politique générale alors que les tensions s'accumulent dans sa coalition sur la question des impôts et les propos très controversés du ministre de l'Intérieur concernant l'Etat de droit.
Après l'élection d'une Assemblée sans majorité, le 7 juillet, et la longue maturation pour former une équipe gouvernementale autour d'un "socle commun", le moment est venu, mardi devant l'Assemblée nationale, pour ce vieux routier de la politique de présenter ses objectifs pour les mois à venir.
Peu de choses ont filtré depuis sa nomination le 5 septembre. Tout au plus a-t-il confirmé vendredi vouloir augmenter certains impôts, face à une situation budgétaire plus dégradée qu'escompté, en ciblant "ceux qui peuvent contribuer à cet effort", soit les entreprises et les très riches, et en préservant "ceux qui sont sur le terrain, qui travaillent, qui produisent".
Plus que jamais, le nouveau Premier ministre est sous étroite surveillance. De la part du Rassemblement national, qui détient le pouvoir de censurer son gouvernement s'il vote une motion de censure de la gauche.
Mais aussi de celle de ses alliés du bloc macroniste comme de LR. Les premiers affirment tous le soutenir... à condition de ne pas voir détricoter la politique menée depuis sept ans.
Ou de le voir franchir le Rubicon qui sépare LR de l'extrême droite.
- "Recadrage" -
Les déclarations de son très droitier nouveau ministre de l'Intérieur dimanche selon lequel "l'État de droit n'est pas intangible, pas sacré" ont profondément choqué dans les rangs macronistes.
"L'État de droit, c'est ce qui protège notre démocratie", a réagi la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet." C'est "quelque chose de sacré", a abondé l'ex-Première ministre Elisabeth Borne.
"Le pays n'a nul besoin d'encore plus de populisme, encore moins que l'on sape ses fondements communs multiséculaires", a aussi jugé l'ancien ministre MoDem Marc Fesneau, tandis que l'ex-député macroniste Sacha Houlié exhortait à "un recadrage" du locataire de Beauvau, se demandant si de tels propos ne justifiaient pas "la censure du gouvernement".
Bruno Retailleau a également redit souhaiter la tenue d'un référendum pour modifier la Constitution et durcir drastiquement les lois sur l'immigration.
Il a été aussitôt adoubé par Nicolas Sarkozy. Il a "raison de privilégier la fermeté sur l'humanité", a estimé l'ancien président. "Dès que quelqu'un veut faire quelque chose, il est immédiatement accusé d'être quelque part entre Hitler et Laval".
Conscient de la fragilité de sa situation, le Premier ministre a reconnu samedi ne pas savoir "combien de temps" il tiendrait à Matignon.
Dans l'immédiat néanmoins, il a rencontré lundi le Président de la République. "On est en plein travail", a-t-il déclaré en rejoignant Matignon, alors qu'un conseil des ministres se tiendra mardi matin, avant le grand oral à l'Assemblée nationale prévu à 15H00. Jeudi, il participera à sa première grande émission polique, L'évènement sur France 2.
Il devra surtout rapidement affronter une motion de censure de la gauche que le RN s'est engagé à ne pas voter, Marine Le Pen étant d'autant plus encline à temporiser que s'ouvre lundi son procès dans l'affaire des assistants parlementaires du Front national (devenu Rassemblement national) au Parlement européen.
- "Effort partagé" -
Autre question très sensible: d'éventuelles hausses d'impôts pour compenser un déficit public attendu autour de 6% du PIB fin 2024 mais contre le dogme macroniste en vigueur depuis 2017.
"Ce n'est pas comme ça qu'on va réduire notre déficit, c'est en faisant des économies", a tancé Elisabeth Borne. Elle a rappelé n'avoir elle-même "pas hésité à porter des réformes" très impopulaires comme les retraites et l'assurance-chômage.
Il faut que "les Français (aient) la perception d'un effort partagé", a complété Yaël Braun-Pivet. "Il faut évidemment travailler sur les dépenses" avant de travailler "sur les recettes".
Autre poids lourd du camp présidentiel, l'ancien ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a répété sur France Inter qu'"aujourd'hui, au Parlement, il n'y a sans doute pas de majorité pour augmenter les impôts".
Or, selon des informations du Monde, non confirmées par Matignon ni Bercy, le gouvernement envisagerait notamment d'augmenter de 8,5 points le taux de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises réalisant au moins un milliard de chiffre d'affaires, une taxe sur les rachats d'action, un alourdissement de la fiscalité sur les véhicules les plus émetteurs de C02 et de celle des meublés.
(A.Monet--LPdF)