La Géorgie vote lors de législatives cruciales pour son avenir européen
Les Géorgiens votent samedi lors d'élections législatives cruciales pour l'avenir de leur pays divisé entre une opposition pro-européenne et un parti au pouvoir accusé de dérive autoritaire prorusse.
Les bureaux de vote ont ouvert vers 08H00 locales (04H00 GMT), ont constaté des journalistes de l'AFP. Leur fermeture est prévue à 20H00 (16H00 GMT), avec dans la foulée de premiers sondages sortie des urnes et des résultats préliminaires attendus dans la soirée.
De récents sondages indiquent qu'une alliance inédite de formations d'opposition pourrait vaincre le Rêve géorgien, le parti conservateur du milliardaire Bidzina Ivanichvili, qui tire depuis une dizaine d'années dans l'ombre les ficelles du pouvoir dans cette ancienne république soviétique du Caucase.
Parmi le quatuor de partis d'opposition concernés se trouve le Mouvement national uni de l'ex-président emprisonné Mikheïl Saakachvili, l'ennemi juré de M. Ivanichvili.
Mais le résultat de ce scrutin à la proportionnelle pour le renouvellement des 150 sièges du Parlement reste difficilement prévisible.
"Cette journée va déterminer l'avenir du pays", a affirmé la présidente pro-européenne, Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, après avoir voté.
Bruxelles a averti que l'issue du vote déterminerait les chances de la Géorgie d'entrer dans l'UE. Ce pays d'environ quatre millions d'habitants a inscrit cette aspiration dans sa Constitution.
- Risque de troubles -
A midi, la participation s'élevait à 22% selon la Commission électorale, qui avait affirmé plus tôt que le scrutin, surveillé par des observateurs internationaux, se déroulait dans le calme.
Mais plusieurs incidents, largement relayés en ligne, ont été rapportés. L'association des jeunes avocats, qui surveille le scrutin, a fait état de "violations électorales significatives".
Des images semblant montrer un bourrage d'urnes dans le village de Sadakhlo, dans l'est, ont été très partagées par l'opposition. La commission électorale a annulé les votes dans ce bureau.
L'opposante Tina Bokoutchava a accusé les "voyous" du Rêve géorgien de "s'accrocher au pouvoir" et de "miner le processus électoral", des propos rejetés par le parti au pouvoir.
"Ils bourrent les urnes, brutalisent les électeurs et frappent les observateurs", a-t-elle dénoncé.
Une vidéo d'une bagarre générale dans un bureau de vote à Tbilissi a poussé Salomé Zourabichvili à demander au ministre de l'Intérieur d'agir.
Dans un bureau de vote de Tbilissi, Guiorgui Kipchidzé, musicien de 48 ans, lui veut croire dans la victoire de l'opposition. "La plupart des Géorgiens ont compris que le gouvernement actuel nous ramène vers le marais russe et nous éloigne de l'Europe".
Un autre électeur, Giga Abouladzé, a fait le choix inverse, estimant que le parti au pouvoir travaille "pour le peuple" et qu'il faut être "ami" avec l'Europe, mais aussi avec Moscou.
L'expert Gela Vasadzé, du Centre d'analyse stratégique sur la Géorgie, a prévenu d'un risque de "troubles post-électoraux", si "le parti au pouvoir tente d'y rester quel que soit le résultat".
En cas de victoire, l'alliance d'opposition a promis des réformes électorales, judiciaires et l'abrogation de lois décriées récemment promulguées.
Elle envisage de former un gouvernement de coalition puis d'organiser un nouveau scrutin d'ici à un an pour mieux refléter la volonté des électeurs.
Le Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012, est accusé de s'être embarqué dans une spirale vers un régime autoritaire prorusse et d'éloigner la Géorgie de l'Union européenne et de l'Otan, à laquelle elle ambitionne également d'adhérer.
- Crainte d'une "Ukrainisation" -
Certains de ses dirigeants sont très critiques envers l'Occident. Bidzina Ivanichvili l'a qualifié de "parti mondial de la guerre", qui traiterait la Géorgie, sa victime, comme de la "chair à canon".
Cette ex-république soviétique bordant la mer Noire reste très marquée par une brève guerre en 2008 avec l'armée russe.
A son issue, la Russie a installé des bases militaires dans deux régions séparatistes géorgiennes, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, dont elle a reconnu l'indépendance unilatéralement proclamée.
Dans ce contexte, le parti au pouvoir a fait campagne en se présentant comme le seul capable d'empêcher une supposée "Ukrainisation" de la Géorgie.
Le gouvernement dit vouloir obtenir les trois quarts des sièges du Parlement, ce qui lui permettrait de modifier la Constitution et, en vertu de son projet, d'interdire les partis d'opposition pro-occidentaux.
La Géorgie a été secouée en mai par de grandes manifestations contre une loi sur "l'influence étrangère", inspirée d'une législation russe sur les "agents de l'étranger" utilisée pour écraser la société civile.
Bruxelles a gelé dans la foulée le processus d'adhésion de la Géorgie à l'UE et les Etats-Unis ont imposé des sanctions à des responsables géorgiens.
Autre cause de tensions avec les Occidentaux: la récente promulgation d'une loi restreignant fortement les droits des personnes LGBT+ en Géorgie, un pays de tradition chrétienne orthodoxe où l'hostilité envers les minorités sexuelles reste forte.
(R.Lavigne--LPdF)