Législatives: après la victoire revendiquée par le pouvoir, la Géorgie s'éloigne de l'UE
Le parti au pouvoir en Géorgie a revendiqué une victoire contestée aux législatives de samedi, qui éloignerait ce pays du Caucase d'une adhésion à l'Union européenne et le rapprocherait de Moscou, selon l'opposition pro-occidentale.
Le Rêve géorgien est en tête avec 53,03% des voix, largement devant une coalition de quatre mouvements pro-européens qui ont recueilli ensemble un total de 38,26% des voix, selon des résultats officiels partiels portant sur un peu plus de 70% des bureaux de vote.
"Nous ne reconnaissons pas les résultats faussés d'élections volées", a déclaré dans la nuit de samedi à dimanche, lors d'une conférence de presse, Tina Bokoutchava, cheffe du Mouvement national uni (MNU), un des quatre partis de la coalition d'opposition.
Dénonçant "une usurpation de pouvoir et un coup d'Etat constitutionnel", Nika Gvaramia, leader du parti Akhali, a assuré que l'opposition avait "décrypté le schéma de falsification" du scrutin.
L'opposition accuse le Rêve géorgien, parti aux affaires depuis 2012, de dérive autoritaire prorusse et d'éloigner la Géorgie de l'UE et de l'Otan, à laquelle elle ambitionne également d'adhérer.
"Comme le montrent les résultats rendus publics par la commission électorale centrale, le Rêve géorgien s'est assuré une solide majorité" dans le nouveau parlement, a de son côté déclaré aux journalistes le secrétaire exécutif de ce parti, Mamuka Mdinaradze.
Selon les résultats, il pourrait compter sur environ 90 des 150 sièges.
Le gouvernement disait avant le scrutin vouloir obtenir les trois quarts des sièges du Parlement, ce qui le mettrait en position de modifier la Constitution et, en vertu de son projet, d'interdire les partis d'opposition pro-occidentaux.
- Sous l'oeil de Bruxelles -
Bruxelles a averti que les chances de la Géorgie d'entrer dans l'UE dépendraient de ces élections organisées dans cette ancienne république soviétique du Caucase d'environ quatre millions d'habitants, qui a inscrit cette aspiration dans sa Constitution.
La Géorgie a été secouée en mai par de grandes manifestations contre une loi sur "l'influence étrangère", inspirée d'une législation russe sur les "agents de l'étranger" utilisée pour écraser la société civile.
Bruxelles a gelé dans la foulée le processus d'adhésion de la Géorgie à l'UE et les Etats-Unis ont pris des sanctions contre des responsables géorgiens.
Autre cause de tensions avec les Occidentaux : la récente promulgation d'une loi restreignant fortement les droits des personnes LGBT+ dans ce pays de tradition chrétienne orthodoxe où l'hostilité envers les minorités sexuelles demeure forte.
Unique dirigeant étranger à réagir samedi, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, seul dirigeant de l'UE resté proche de Moscou, a salué la victoire "écrasante" du parti au pouvoir.
Surveillé par des observateurs internationaux, le scrutin a été marqué par plusieurs incidents, largement relayés en ligne, comme cette vidéo d'une bagarre dans un bureau de vote à Tbilissi ou des échauffourées au siège du Mouvement national uni.
Des images semblant montrer un bourrage d'urnes à Sadakhlo, un village de l'est, ont été très partagées par l'opposition. La commission électorale a annulé les bulletins dans ce bureau.
Tina Bokoutchava, cheffe du Mouvement national uni, a accusé dans la journée les "voyous" du Rêve géorgien de "s'accrocher au pouvoir" et de "miner le processus électoral", des propos rejetés par ce parti dirigé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili.
Le Mouvement national uni est le parti de l'ex-président emprisonné Mikheïl Saakachvili, ennemi juré de M. Ivanichvili.
- "Ukrainisation" -
Certains dirigeants du Rêve géorgien sont très critiques envers les Occidentaux. Bidzina Ivanichvili les a qualifiés de "parti mondial de la guerre", qui traiterait la Géorgie, sa victime, comme de la "chair à canon".
Ce pays riverain de la mer Noire reste très marqué par une brève guerre en 2008 avec l'armée russe.
A son issue, la Russie a installé des bases militaires dans deux régions séparatistes géorgiennes, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, dont elle a reconnu l'indépendance unilatéralement proclamée.
Dans ce contexte, le Rêve géorgien a fait campagne en se présentant comme seul capable d'empêcher une supposée "ukrainisation" de la Géorgie.
(L.Chastain--LPdF)