Elisabeth Borne, une nouvelle Première ministre déjà face aux urgences et aux oppositions
Tout juste nommée Première ministre, Elisabeth Borne doit répondre à une double urgence: constituer son équipe gouvernementale et mener la bataille des législatives, tout en répondant aux attentes sur le pouvoir d'achat et le climat, relayées par des oppositions très remontées.
Mme Borne doit choisir "dans les prochains jours" une nouvelle équipe gouvernementale "resserrée", selon son entourage, avant la nomination d'éventuels secrétaires d'Etat dans un deuxième temps, probablement après les législatives des 12 et 19 juin.
Car c'est d'abord en tant que patronne de la majorité qu'elle aborde ses nouvelles fonctions, avec pour feuille de route de donner à nouveau une majorité à la macronie à l'Assemblée nationale.
"Courage à tous, très bonne campagne à tous !", a-t-elle lancé, selon des participants, dès mardi matin aux députés de la macronie réunis au Palais-Bourbon, souhaitant "la majorité la plus large possible" à l'issue des législatives pour "porter" le "programme clair et ambitieux" du président Emmanuel Macron.
Elle-même jamais élue, elle se présente dans la sixième circonscription du Calvados, qui avait placé nettement en tête M. Macron aux deux tours de la présidentielle, laissant présager un succès à la nouvelle Première ministre.
Dans le cas contraire, son avenir à Matignon serait compromis.
Dans l'immédiat, aucune annonce sur le futur gouvernement n'était prévue mardi et le prochain Conseil des ministres devrait avoir lieu jeudi ou vendredi seulement.
Relativement peu connue des Français, ce qui peut constituer "un atout" dans ses nouvelles fonctions, l'ex-ministre du Travail, des Transports et de la Transition écologique l'est toutefois "plus que ne l'étaient Édouard Philippe et surtout Jean Castex", a relevé mardi Frédéric Dabi, directeur de l'Ifop, sur LCI.
Mais, devenue lundi la deuxième femme à diriger le gouvernement français sous la Ve République, trente ans après Edith Cresson, cette ingénieure réputée travailleuse devra déjouer le machisme réputé toujours présent dans la classe politique, autant qu'imposer un style davantage sévère que celui, bonhomme, de M. Castex.
- "Maltraitance sociale" -
"Nous avons beaucoup de choses en commun", a juré lundi, lors de la passation de pouvoirs avec son prédécesseur, ex-LR, cette ancienne membre du Parti socialiste, aujourd'hui participante de l'aile gauche de la macronie.
Mme Borne ne peut pas compter sur quelque état de grâce face aux oppositions: l'ex-candidat LFI à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon, qui espère être nommé à Matignon si la Nouvelle union de la gauche (Nupes) remporte les législatives, la considère comme "parmi les figures les plus dures de la maltraitance sociale" dans la macronie, tandis que l'ancienne candidate RN Marine Le Pen pronostique la "poursuite de la politique de mépris, de déconstruction de l'État, de saccage social" de M. Macron.
Sa "feuille de route va être très violente, très brutale", a estimé mrdi le président du RN Jordan Bardella sur Cnews.
Réforme de l'assurance chômage, ouverture à la concurrence du réseau SNCF: le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a critiqué sur LCI "un bilan très négatif" jusque-là, et une ministre qui "écoute mais n'entend pas, comme M. Macron".
"Le bilan d'Elisabeth Borne en matière sociale, c'est le bilan d'une femme de droite", a insisté sur France Inter Julien Bayou, secrétaire national d'EELV et candidat de l'union de la gauche (Nupes) aux législatives.
A droite, on pense l'inverse. Avec cette nomination, le "Macron de gauche veut imposer une politique de gauche", a estimé Xavier Bertrand, président (ex-LR) des Hauts-de-France, lors d'un café public à Paris.
- Feuille de route -
Lors de sa courte prise de parole sur le perron de Matignon lundi, Mme Borne a appelé à "agir plus vite et plus fort" face "au défi climatique et écologique", en "associant encore davantage les forces vives de notre territoire, parce que c'est bien au plus près des Français qu'on trouvera les bonnes réponses".
M. Macron, qui recherchait un profil "social", "écologique" et "productif", avait un peu plus tôt dans un tweet tracé les priorités de sa nouvelle cheffe du gouvernement, qui aura la prérogative du portefeuille de la Transition écologique: "Ecologie, santé, éducation, plein emploi, renaissance démocratique, Europe et sécurité".
Mais c'est sur le pouvoir d'achat, sujet de préoccupation numéro un des Français, qu'elle devra d'abord convaincre, notamment avec la mise en œuvre dans les prochains jours du chèque alimentaire, dans un contexte de forte inflation.
Elle est aussi attendue au tournant pour lancer la réforme promise explosive des retraites, avec l'objectif de porter l'âge de départ à 64 ans à la fin du quinquennat puis à 65 ans d'ici à 2031.
Il y aura aussi "deux chantiers à ouvrir très vite: l'organisation territoriale de la santé, et l'organisation nationale de l'Education nationale et de sa déclinaison locale", a rappelé le patron des députés LREM, Christophe Castaner, sur France Inter, promettant "concertation" et "débats" de la part de cette ancienne préfète qui devra incarner la "méthode refondée" promise par M. Macron.
En attendant, l'ancien directeur général de l'Agence régionale de Santé d'Ile-de-France Aurélien Rousseau, 45 ans, ex-directeur adjoint de cabinet des Premiers ministres socialistes Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, a été nommé mardi directeur de son cabinet.
(V.Castillon--LPdF)